« En plus de la justice, il faut le dialogue ». C’est l’exhortation faite par le juge sénégalais de la Cour pénale internationale (CPI), Amady Ba, venu enquêter en juin dernier sur les responsabilités dans les violences post-électorales. Devant la gravité des clivages entre pouvoir et opposition qu’ils ont rencontrés, les juges estiment « qu’il faut se parler et se tendre la main ». Un vœu pieu ?
« En plus de la justice, il faut le dialogue ». C’est l’exhortation faite par le juge sénégalais de la Cour pénale internationale (CPI), Amady Ba, venu enquêter en juin dernier sur les responsabilités dans les violences post-électorales. Devant la gravité des clivages entre pouvoir et opposition qu’ils ont rencontrés, les juges estiment « qu’il faut se parler et se tendre la main ». Un vœu pieu ?
S’il y a un constat sur lequel les experts de la Cour pénale internationale (CPI) en mission d’évaluation au Gabon se sont accordés, c’est que le Gabon est un pays profondément divisé depuis la dernière élection présidentielle. Ils s’en sont bien rendu compte devant la bataille âpre concernant les chiffres des victimes qui oppose le camp du pouvoir à celui de Jean Ping. Alors que le pouvoir parle de 4 morts seulement, le bloc de Jean Ping, lui, fait état de 150, 200 morts, selon les sources.
Au-delà de cette guerre des chiffres, le pouvoir et Jean Ping s’accusent mutuellement d’être à l’origine des violences qui ont suivi la réélection de Bongo le 31 août 2016. Puisque pour le pouvoir, ce sont sans doute les propos de « cafards » prononcés par l’ancien président de la Commission de l’Union africaine lors de la campagne qui seraient à l’origine de ces violences. Il accuse le camp de l’opposant d’avoir monté des photos de la crise ivoirienne de 2010 avec des morts entassés, en les faisant passer pour les victimes de la crise post-électorale gabonaise. Accusation que rejette Jean Ping qui dit n’avoir jamais appelé à la violence et soutient qu’au contraire la violence vient d’Ali Bongo qui a refusé de se plier au verdict des urnes.
Devant cette guerre sans merci des preuves de culpabilité de l’un et de l’autre camp qui ne veulent rien lâcher, la tâche de la CPI s’annonce difficile. D’où l’invite au dialogue et à la réconciliation, au-delà du dossier judiciaire, car convaincus que la justice seule, même si elle venait à condamner tel ou tel camp, ne pourra jamais soigner un pays dont les tensions politiques restent de plus en plus vives, plus d’un an après le scrutin présidentiel. Et après le recours sans succès devant la Cour constitutionnelle, après la bataille pour la publication du rapport de la Mission d’observation de l’Union européenne, l’issue de la présidentielle gabonaise de 2016 semble désormais se jouer là, devant la justice internationale. Mais la décision de la CPI, quelle qu’elle soit, constituera-t-elle l’épilogue d’une longue lutte pour le pouvoir ? La question reste entière.
Yannick Franz IGOHO