(Syfia Gabon) Dans les capitales africaines comme Libreville, les personnes âgées abandonnées par leurs familles, incapables de subvenir à leurs besoins, sont de plus en plus nombreuses. Des centres d’accueil pour le troisième âge commencent à voir le jour.
La démarche lente et la voix enrouée par une toux chronique, Raphaël Pana, 67 ans, est inconsolable : « Je suis ici depuis une dizaine d’années, abandonné par ma nièce qui m’avait emmené ici pour soi-disant soigner mes rhumatismes. » Pensionnaire du service de gériatrie de l’hôpital régional de Melen, à 12 km au sud de Libreville, au Gabon, Raphaël est de ceux qui depuis des années n’a plus vu un seul parent. Après la mort de sa femme et de tous ses enfants (le dernier en 1982), Marie-Yvonne, sa nièce, l’avait accueilli dans sa maison de Libreville. Ils vécurent ensemble en harmonie jusqu’en 1996, quand le mari de Marie-Yvonne perdit son emploi. « À partir ce moment, il rentrait tous les jours ivre et battait sa femme pour rien. Comme mon état de santé se dégradait au fil des jours, elle a décidé de m’interner ici en promettant de revenir me chercher quand je serais guéri », se souvient-il. Depuis, plus rien. Raphaël Pana ignore aujourd’hui où se trouve sa nièce.
Raphaël n’est pas un cas isolé dans cet hôpital. Apollinaire Rogandji, 62 ans, connaît les lieux dans les moindres recoins. Il y a été abandonné par sa famille en 1993. « Au début, je souffrais beaucoup de solitude », confie-t-il, même si l’un de ses enfants lui a rendu visite durant quelques années. « Mon fils a arrêté de s’occuper de moi il y a onze ans maintenant, prétendant que s’il n’avait pas de promotion dans son emploi, c’est parce que je l’envoûtais. Pire, il m’a même accusé d’avoir tué mystiquement sa mère ! », confie-t-il.
Thérèse Maroundou, septuagénaire, a un peu plus de chance : un de ses petits-fils lui apporte souvent du savon et quelques médicaments. Mais, fait remarquer Angèle Okome Zue, responsable du service de gériatrie, « ce petit-fils dit avoir peur de l’emmener chez lui craignant qu’elle ne fasse du mal à ses enfants pendant ses moments de délire puisqu’elle souffre de la maladie d’Alzheimer ». Ses autres filles, célibataires et sans emploi, ne visitent pas leur mère.
La solidarité africaine à l’épreuve
Ces attitudes sont contraires aux mœurs africaines, où la solidarité était une valeur sacrée. Toute personne a droit au soutien de ses proches quel que soit son état de santé physique ou mental. Selon l’anthropologue Maixent Mébiame, enseignant à l’Université Omar Bongo de Libreville, « l’apparition du phénomène de rejet des vieux parents est récente en Afrique. Il est surtout observé et vécu dans les grandes villes africaines, pas dans les villages ». À l’instar de Marie-Yvonne, les citadins, frappés par le chômage (21 % au niveau national) et la flambée du coût de la vie, sont de moins en moins en mesure de supporter le poids des personnes du troisième âge. « Les raisons de ce rejet sont pour l’essentiel d’ordre économique. Si l’on n’y prend garde, il va être vécu même dans les villages », appuie Mabik-ma-Kombil, psychologue.
Les personnes âgées se retrouvent ainsi de plus en plus dans les rues des capitales africaines. À Libreville, secouée par la crise économique depuis les années 90, on a commencé à voir des vieillards abandonnés par leurs familles errer devant les églises et dormir à la belle étoile. D’autres squattent les immeubles abandonnés tel l’ancien siège du Parti démocratique gabonais, à Libreville.
Pour leur venir en aide, des centres d’accueil de personnes âgées voient le jour en ville. C’est le cas du service de gériatrie de Libreville, une ancienne œuvre missionnaire destinée aux soins des fidèles âgés, que l’État a nationalisé en 1995 pour le mettre au service des personnes du troisième âge abandonnées par les familles.
Heureusement, « dans les villages, précise l’anthropologue, la chaîne de solidarité est encore solide. Il n’y a pas de personnes abandonnées. Même quand un vieillard n’a plus ni femme ni d’enfants, les autres villageois lui viennent en aide ». Pour combien de temps encore ?
Isaac Mackanga
Sénégal : soins gratuits pour les seniors
Depuis début septembre, les Sénégalais âgés de plus de 60 ans peuvent désormais accéder aux services et aux soins de santé sans bourse délier, sur l’ensemble du territoire. Cette initiative entre dans le cadre du Plan sésame initié par le président Abdoulaye Wade.
Ce plan est constitué d’un fonds cofinancé à hauteur de 1 milliard de Fcfa (1,5 million d’Euros) par le gouvernement sénégalais (dont 700 millions sur fonds propres et 300 millions de l’Institut de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres)). C’est « un acte de solidarité générationnelle et d’équité entre tous les citoyens, dans la mesure où cela concerne les travailleurs retraités et les personnes âgées qui ne bénéficient d’aucun régime », a expliqué le ministre de la Santé et de la prévention médicale.
Sont concernés par cette mesure : 450 000 seniors, pour la plupart issus du secteur informel ou du milieu rural. Pour faire valoir leurs droits, ils devront être détenteurs de la nouvelle carte d’identité numérisée établie dans le cadre des prochaines consultations électorales. « Nous ne pouvons avoir meilleure garantie que cette carte pour ce qui est de l’âge des bénéficiaires », affirme le ministre.
Afin d’éviter l’anarchie dans les structures de soins, les bénéficiaires devront par ailleurs se faire d’abord consulter au niveau d’un poste de santé (la structure sanitaire de base du pays) où ils seront traités, ou référés vers un centre de santé ou un hôpital.
Moussa Gassama
C’est vraiment dommage pourC’est vraiment dommage pour notre continent qui donne pourtant cette image de berçeau de l’humanité. Les critères doivent être refinis.
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