(Jade Cameroun/Syfia) Des milliers de ressortissants nigérians ont quitté ou souhaitent quitter le Cameroun, leur pays d’accueil, pour retourner chez eux. Ces candidats au retour volontaire dénoncent le coût trop élevé du permis de séjour et les tracasseries policières. Amorcés l’année dernière, ces rapatriements viennent de reprendre.
Rémi Olushola, une Nigériane de 70 ans, dont 45 passés au Cameroun, est inconsolable. « Nous sommes ici depuis quatre jours, sans nourriture ni eau potable, sous le froid, exposés aux moustiques », se plaint-elle. Ses trois petits-fils sont couchés sur une natte de fortune sous un hangar de la base navale de Douala. À côté d’eux, de vieux sacs contenant quelques effets personnels. D’autres personnes sont couchées à même le sol. Toutes font partie des quelques milliers de Nigérians, venus de tout le Cameroun, qui en août dernier attendaient d’embarquer pour leur pays d’origine. Destination : le port de Calabar, capitale de l’État de la Cross-River, au sud-est du Nigeria.
« Les partants sont majoritairement des personnes âgées et des gens incapables de payer les frais de séjour exigés par les autorités camerounaises », explique Harry Bristol, le Consul général. « Mieux vaut aller mourir dans mon pays que de rester ici« , soutient Pa Medi, 81 ans.
Frais et tracasseries policières
Les étrangers qui vivent au Cameroun doivent, en effet désormais, débourser 130 000 Fcfa (près de 200 Euros), tous les deux ans, pour le permis de séjour, contre 80 000 Fcfa (122 Euros) en 2003. Soit plus de cinq fois le montant que la plupart des immigrés affirment être en mesure de payer, du fait de la crise économique qui les frappe eux aussi de plein fouet, qu’ils soient hommes d’affaires, petits commerçants, pêcheurs ou agriculteurs.
Comme tous les étrangers, ils déplorent également les contrôles policiers devenus d’après eux de plus en plus fréquents depuis que l’État camerounais cherche à augmenter ses recettes et à répondre aux exigences du FMI. Assis près du bateau battant pavillon nigérian qui va le ramener dans son pays, Charles Okoro, 34 ans, témoigne : « J’ai été arrêté plus de 20 fois et incarcéré soit par la police, soit par la gendarmerie, parce que je n’avais pas de titre de séjour ». Venu de Limbé (70 km au sud-ouest de Douala), ce pêcheur vit sans papiers depuis 5 ans.
Autre immigré sur la ligne de départ, James Akwa ironise sur ses démêlés avec la police de l’immigration : « J’étais devenu un client régulier. Ils me battaient jusqu’à ce que j’accepte de débourser de l’argent à leur profit« , se souvient-il. « La plupart des Nigérians, y compris ceux titulaires d’un titre de séjour, sont quotidiennement victimes des tracasseries de la part des forces de sécurité. Nous avons saisi à ce sujet les autorités camerounaises, sans résultat », renchérit le consul nigérian. « Aucun étranger vivant au Cameroun ne doit se soustraire aux conditions de séjour qui sont non négociables« , réplique, sous anonymat, une autorité administrative de Douala.
Prime à la réinsertion
Hasard du calendrier ou pas, la reprise des rapatriements a coïncidé, en août dernier, avec la rétrocession officielle de la presqu’île de Bakassi au Cameroun par l’armée nigériane. « C’est une coïncidence malheureuse, assure le consul. L’enregistrement des candidats au retour a débuté depuis novembre 2005. » Dans un communiqué publié à cette même période, le ministre camerounais de la Communication avait de son côté tenu à préciser que les départs des citoyens nigérians étaient « décidés par les autorités consulaires du Nigeria au Cameroun » et qu’aucune opération d’expulsion d’étrangers n’était « menée, ni envisagée » par le gouvernement camerounais.
Sur les 20 000 candidats au retour qui se sont fait enregistrer l’an passé au Consulat, au moins 6 000 seraient déjà partis, par vagues successives plus ou moins espacées, raisons budgétaires obligent. Les autres sont retournés vivre « chez eux », au Cameroun. En attendant.
Avec la crise économique, bon nombre des 4 millions de Nigérians qui vivaient jusque-là en toute sérénité chez leur voisin camerounais se disent à présent intéressés par la prime à la réinsertion (400 000 Fcfa, près de 610 Euros, Ndlr) que, d’après certains partants, leur gouvernement verserait à chaque famille de retour au pays natal.
Denis Nkwebo