De violentes manifestations ont éclaté dans plusieurs villes du Gabon après l’annonce de la réélection du président Ali Bongo Ondimba le 31 août 2016. Pendant plusieurs jours, des contestations ont fait plusieurs morts et d’importants dégâts matériels à travers le pays. Si aujourd’hui le Gabon tente de tourner la page, les populations ont été marquées par les émeutes. Reportage
De violentes manifestations ont éclaté dans plusieurs villes du Gabon après l’annonce de la réélection du président Ali Bongo Ondimba le 31 août 2016. Pendant plusieurs jours, des contestations ont fait plusieurs morts et d’importants dégâts matériels à travers le pays. Si aujourd’hui le Gabon tente de tourner la page, les populations ont été marquées par les émeutes. Reportage
La vie reprend son cours normal à Libreville. Dans la journée, les rues de la capitale s’animent de nouveau. Le long des trottoirs, hommes, femmes et jeunes pressent le pas. Certains se rendent à leur lieu de travail, d’autres à un rendez-vous. Les commerces ont ré-ouvert. Au grand carrefour Awendje, comme dans d’autres carrefours de la ville, les embouteillages ont réapparu. La nuit tombée, les petits commerçants réinstallent leurs marchandises sur des comptoirs de fortune. Progressivement, les Librevillois se remettent des violentes et meurtrières manifestations qui ont éclaté après l’annonce de la réélection du président Ali Bongo Ondimba le 31 août 2016.
Scènes de chaos
Commerces fermés ou pillés, ordures brûlées, pneus, carcasses de véhicules jetés dans les rues. Des scènes de chaos étaient observées dans de nombreux quartiers de la ville quelques heures après la proclamation des résultats de la présidentielle par le ministère de l’Intérieur. Les affrontements d’une rare violence entre manifestants et forces de l’ordre ont fait plusieurs morts et d’importants dégâts matériels. Un scénario inimaginable pour de nombreux habitants de Libreville. « Moi personnellement j’ai perdu un frère avec qui j’étais en terminale. Quand j’ai appris sa mort cela m’a beaucoup bouleversé. On se demandait si au Gabon on pouvait vivre ce type de situation. Okay ! Il y a des élections et puis après on voit des morts par ici ! Cela nous a beaucoup choqués. Pendant des semaines on était coincé à la maison. On a vu tellement de choses ignobles »,témoigne Gilles, un cyber journaliste.
Toutes les activités ont accusé le coup
Selon Jonas, chauffeur de taxi, il fallait attendre que le vent de la violence cesse avant de reprendre le travail, « on savait que le dehors est mauvais », confie-t-il. Face à l’escalade de la violence et des informations relayées sur les réseaux sociaux, le gouvernement avait décidé de couper le réseau internet dans le pays. « On a été coupé pratiquement pendant un mois d’internet, ce qui fait que, s’il y a coupure d’internet mon activité prend un coup. Donc je n’ai pas de revenu, je n’ai pas de rentrées d’argent », déplore Gilles. Aucun secteur d’activité n’a été épargné par la crise.
Marchandises parties en fumée
Maman-Rose, 57 ans, est commerçante au marché Bananes. Elle y vend de la banane importée du Cameroun, des taros et de la sardine fumée depuis 2008. Une bonne partie de ce marché est partie en fumée, suite à la vague de violences postélectorales. Dans l’incendie, maman Rose a perdu toute sa marchandise au point qu’elle garde un souvenir amer des événements. « Là où vous me voyez vendre là, je recommence à peine. Toute la marchandise que j’avais, tout est brûlé dans le feu quand ils ont mis le feu à l’autre partie du marché là-bas. Ce que vous voyez là c’est ce que j’ai encore commandé depuis le Cameroun, ça fait à peine un mois. Et c’est toutes mes économies que j’ai dépensées pour ça. Maintenant que c’est la rentrée scolaire, on va faire comment avec les fournitures des enfants ? », s’interroge maman Rose.
Elle qui ne vit que de son commerce et qui ne soutient aucun candidat, ne comprend pas comment elle a pu être aussi injustement une victime. « Personne ne me nourrit, mon mari ne travaille plus. C’est avec ça que je vis, nous ne faisons pas de la politique, mais quand on vient nous brûler notre marchandise comme ça, est-ce que c’est Ping ou Ali qui nourrissent mes enfants ? », conclu-t-elle.
Le pays pense ses blessures
Si l’on ignore toujours le nombre exact des victimes humaines de cette crise (entre 50 et 100 morts selon Jean Ping. Moins d’une dizaine d’après le gouvernement), le pays aujourd’hui panse ses blessures et se remet petit à petit de ces jours de violences. Dans une déclaration, le ministre d’État Gabonais de la Communication et porte-parole du gouvernement, Alain Claude Bilie By Nze, a affirmé que l’élection « relevait désormais du passé » et que chaque citoyen pouvait vaquer à ses occupations.
Eric Lionel Minkoughe et Béatrice Kazé