(Syfia Gabon) Malgré les plaintes de l’opposition, les élections législatives devraient se tenir comme prévu le dimanche 17 décembre. Une occasion pour la population de juger sur pièces sa nouvelle Commission électorale nationale autonome et permanente chargée de superviser les élections.
Sauf improbable revirement de dernière minute, les Gabonais se rendront bien aux urnes ce 17 décembre pour élire leurs 120 députés. Au total, 900 candidats, issus du Parti démocratique gabonais (PDG) au pouvoir, des treize partis politiques d’opposition ou indépendants, solliciteront les suffrages de près de 600 000 électeurs. Une participation plus élevée qu’en 2001 est attendue. Il y a cinq ans, la quasi-totalité de l’opposition avait en effet boycotté les législatives. Le PDG et ses alliés (une quarantaine de partis) avaient alors raflé 94 % des sièges à l’Assemblée nationale.
Ce dimanche, l’opposition qui a sollicité en vain le report du scrutin, s’apprête à aller aux élections à reculons. D’après elle, les délais prescrits par les textes pour la publication des listes électorales n’ont pas été respectés. « Le législateur a prévu que ces listes soient affichées 45 jours avant le scrutin. Or, elles ne sont parvenues à la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) que le 1er décembre. Au regard de la violation de la loi, nous demandons le report du scrutin d’un mois », plaide Léon Mbou Yembit, président du Forum africain pour la reconstruction, un parti d’opposition.
Pierre Mamboundou, leader de l’opposition, arrivé deuxième derrière le président Bongo à la dernière élection présidentielle de décembre 2005, estime que la publication tardive des listes ne permet pas aux électeurs et à la Cenap de procéder à une vérification des noms ou à d’éventuelles omissions afin d’apporter les corrections nécessaires.
Concertation et contestation
Selon le ministre de l’Intérieur, André Mba Obame, la remise tardive des listes électorales s’explique par la réouverture des inscriptions. À la suite d’une concertation qui s’est tenue en mai entre majorité et opposition, le gouvernement avait décidé fin août de réformer par ordonnance l’organisation des élections.
Un processus qui avait abouti à la création de la Cenap, nouvel organe de gestion des élections et à plusieurs autres mesures : révision du fichier électoral, instauration d’un bulletin unique de vote, ouverture des médias d’État à l’opposition, financement de tous les partis politiques légalement reconnus (à l’occasion de cette campagne, chaque parti a reçu 1 million de Fcfa (1 500 Euros) par candidat présenté dans au moins 5 provinces sur les 9 que compte le Gabon, Ndlr) et fixation d’un seuil de dépense égal pour tous les partis engagés. « L’exigence d’un report du scrutin est un non-événement dans la mesure où l’opposition nous a toujours habitués à ce genre de revendication », ironise Michel Menga, secrétaire général adjoint du PDG.
De son côté, la toute nouvelle commission électorale s’estime prête. Selon René Aboghé Ella, son président, les membres qui la représentent sont à pied d’œuvre depuis octobre, sur l’ensemble du territoire. Pour Bonaventure Nzé Mba, politologue, le scrutin risque cependant d’être une pâle copie des consultations antérieures : listes électorales tronquées, transfert frauduleux des populations vers des centres de votes, inféodation des membres de la Cenap au pouvoir, etc. Il soutient par ailleurs que les politiques, majorité présidentielle et opposition confondues, ne font rien pour redonner confiance à un électorat aujourd’hui désabusé.
« Les dernières élections qu’elles soient présidentielles, législatives ou locales ont démontré que les Gabonais ne croient plus à l’alternance par les urnes », soutient le sociologue Mabick Ma Kombil. El Hadj Omar Bongo Ondimba qui trône à la tête de ce petit pays pétrolier du golfe de Guinée de près de 1,5 million d’habitants depuis bientôt 40 ans, a remporté toutes les élections organisées depuis l’instauration du multipartisme au début des années 90. À chaque fois, l’opposition a dénoncé des fraudes. Cette fois encore, le manque de rigueur dans le respect des dispositions de la nouvelle loi ne rassure pas les adversaires du parti au pouvoir.
Ce dernier reste le seul à avoir investi des candidats dans toutes les circonscriptions électorales du pays.
Isaac de Bilanga