Cameroun : Chasse aux corrompus

(Jade Cameroun/Syfia) Les Camerounais se mobilisent pour demander la poursuite des arrestations des présumés auteurs de détournements de deniers publics et surtout la restitution, au profit de l’État, des biens mal acquis. Sous la pression des bailleurs de fonds, plusieurs personnalités ont été inculpées.

(Jade Cameroun/Syfia) Les Camerounais se mobilisent pour demander la poursuite des arrestations des présumés auteurs de détournements de deniers publics et surtout la restitution, au profit de l’État, des biens mal acquis. Sous la pression des bailleurs de fonds, plusieurs personnalités ont été inculpées.

Le 18 mars dernier, environ 2 000 jeunes se réclamant du parti au pouvoir ont marché à Yaoundé pour condamner la corruption et demander le rapatriement des fonds publics détournés et gardés à l’étranger. Quelques jours auparavant, plusieurs petits partis politiques et associations de la société civile avaient lancé à Douala une campagne de mobilisation populaire baptisée « Nous voulons notre argent ». « Nous poursuivrons cette campagne de salubrité publique jusqu’à ce qu’elle aboutisse à l’arrestation de tous les suspects de détournements des deniers publics, la condamnation des coupables et la confiscation de leurs biens, ainsi que la récupération des fonds qu’ils ont gardés dans leurs comptes ici ou ailleurs », martèle Maître Jean de Dieu Momo, avocat, président de l’Association des droits de l’homme pour la protection des consommateurs et de l’environnement.

Depuis le mois dernier, la lutte contre la corruption et les détournements de fonds publics est montée d’un cran. Quatre anciens directeurs généraux de sociétés d’État, dont le ministre de l’Énergie et de l’Eau, par ailleurs ex-directeur général du port autonome de Douala, et certains de leurs collaborateurs ont en effet été arrêtés. « Des informations judiciaires sont ouvertes contre un certain nombre de responsables, auteurs présumés de détournements de deniers publics, de corruption, de faux et d’usage de faux au préjudice de l’État et de certains établissements publics », précise un communiqué de presse d’Amadou Ali, ministre de la Justice.

Une justice loin d’être indépendante

Selon Me Momo, le pouvoir doit éviter que ces procès se terminent comme ceux de l’ancien ministre Titus Edzoa et de son collaborateur Michel Thierry Atangana. Reconnus coupables de détournement de fonds publics à hauteur de 350 millions Fcfa (plus de 530 000  euros), ils avaient été condamnés en octobre 1996 à 15 ans de prison ferme et au remboursement de la somme détournée. Un verdict relativement clément puisque « l’article 184 du Code pénal punit d’un emprisonnement à vie celui qui se rend coupable de détournement de deniers publics au-delà de 500 000 Fcfa (un peu plus de 760 Euros) », s’insurge l’avocat. La loi prévoit que « quelle que soit la peine d’emprisonnement ferme, il faut que cette peine soit assortie de la confiscation des biens ».

Outre une nouvelle marque de clémence envers les futurs condamnés, les anti-corruption redoutent l’établissement de dossiers vides, dépourvus de preuves et truffés de causes de nullité dont profiteraient les avocats de la défense pour faire déclarer l’action judiciaire irrecevable. La justice est en effet loin d’être indépendante au Cameroun. C’est d’ailleurs sur instruction du Président de la République que le ministre de la Justice a déclenché l’ouverture d’informations judiciaires pour corruption. La loi prévoit pourtant que le procureur de la République peut poursuivre tout suspect sur simple dénonciation. Ainsi, l’opinion publique attend toujours l’inculpation d’autres gestionnaires que la presse a dénoncés, extraits de rapports d’audit à l’appui.

Biens mal acquis

Le Cameroun, classé par l’ONG Transparency International parmi les pays les plus corrompus au monde (plus de 20 % de la richesse nationale par habitant auraient été engloutis par ce fléau l’an dernier), subit aussi la pression des bailleurs de fonds étrangers. Ces derniers ont fait de la lutte contre la corruption l’un des critères essentiels pour l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (IPPTE), attendue en avril prochain. Selon un rapport de mission du Fonds monétaire international publié en 2005, « la confiance du public et des investisseurs » serait ainsi « minée par les préoccupations au sujet de la corruption ». « L’application des peines dans les affaires de corruption prouvée constituera une étape importante dans cette direction », conclut le rapport.

D’après les ambassades occidentales, la déclaration des biens serait un mécanisme efficace pour assurer la protection du patrimoine public. Prévue par un article de la Constitution, elle n’a cependant jamais été appliquée. « J’ai de bonnes raisons de croire que cet article sera mis en application dès 2006 », croît savoir Niels Marquardt, ambassadeur des États-Unis au Cameroun qui a récemment demandé, en plus des « condamnations officielles », « la restitution des biens mal acquis ».

Soucieux sans doute de ne pas trop déplaire à ces principaux partenaires, le gouvernement camerounais vient justement de déposer devant le Parlement un projet de loi portant sur la déclaration des biens…

Étienne Tassé

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