Une jeune fille assassinée à Bafoussam. L’impunité favorise la multiplication des crimes

Une jeune fille a été assassinée à Bafoussam. Un crime qui s’ajoute à la longue liste des agressions mortelles qui demeurent sans explication. La police locale se défend en brandissant son déficit en termes d’effectifs et de moyens logistiques adéquats et performants. 

La dépouille mortelle de la jeune fille, dont l’âge a été estimé à 18 ans, a été retrouvée le lundi 27 février 2023, dans une maison en ruine à proximité du lieu dit Collège polyvalent bilingue technique industriel et commercial Tama (Copobit) au quartier Banengo à Bafoussam. La brigade de gendarmerie de Ndiengdam à Bafoussam  a été informée. La victime ne disposant d’aucune pièce d’identité sur elle, il est difficile d’établir sa filiation. Et jusqu’au moment où nous mettions sous presse, personne ne s’est approché des services compétents pour reconnaître un lien de parenté ou de sociabilité avec cette jeune fille.  De source médicale, la victime a été violée avant d’être assommée à l’aide d’un parpaing. Le maire de la commune de Bafoussam Ier, Cyrille Ngnang, est indigné suite à la multiplication des crimes dans sa commune et dans bien d’autres municipalités de la région de l’Ouest. Il a dépêché l’équipe funèbre de la municipalité pour transporter la dépouille de la victime du lieu du drame et la déposer à la morgue de l’hôpital régionale de Bafoussam.

Le laxisme des autorités policières et judiciaires

Quelques heures avant la découverte du corps de cette jeune fille, le village Moussourtouk dans la région de l’Extrême-Nord du pays a été le théâtre d’un autre crime. Selon le lanceur d’alertes Paul Chouta, M. AYANG KOFTOUING Étienne, professeur certifié de langue française a été  poignardé à la poitrine par un élément de la brigade d’intervention rapide (Bir), une unité d’élite de l’armée camerounaise. L’enseignant de français est décédé dans la matinée du lundi 27 février 2023. Son meurtrier a pris la fuite. Des témoins rapportent que ce crime est survenu suite à une  bagarre  entre le  militaire et l’homme de lettres. La victime se rendait à Maroua pour toucher son salaire mensuel. De passage à Kaélé,  il avait décidé de s’arrêter au village pour prendre une bière avant de continuer avec son ami. Lorsqu’il est entré dans le bar, il  a trouvé quatre militaires du BIR assis, il les a salué et l’un des militaires s’est énervé, s’en est suivi une altercation. L’enseignant a été poignardé à mort. Juste avant de mettre sous presse, aucune trace du militaire agresseur n’a été signalée. Le commissaire du gouvernement près du tribunal militaire de Maroua a ouvert une enquête.

Le bureau des enquêtes criminelles de la Division régionale de la police judiciaire de l’Ouest à Bafoussam et le commandant de la brigade de gendarmerie de Ndiengdam mènent également  des enquêtes sur le cas de la jeune fille retrouvée morte à Bafoussam. Mais cette ouverture d’enquêtes ne rassure en rien l’opinion publique locale. Ntietcheu Mama, coordonnateur adjoint du  Centre pour la promotion du droit (Ceprod), dénonce le laxisme des autorités policières et judiciaires. Pour lui, la répétition des crimes est liée à l’impunité qui règne. Selon ce militant, si les criminels étaient vraiment recherchés, jugés et condamnés, cela aurait valeur d’exemple et permettrait d’éviter d’autres meurtres.

Développer les possibilités de recours juridictionnel

Le défenseur des droits humains maintient que L’Etat du Cameroun n’est pas assez actif en matière de lutte contre la criminalité dans les métropoles et campagnes du pays. Alors que le droit à la vie est sacré. «  Ici chez nous, la justice est faite pour les riches. Lorsque vous signalez un crime aux unités ou aux procureurs territorialement compétents, ils exigent les frais de carburants ou les frais d’enquêtes. Les familles des victimes sont financièrement limitées et ne peuvent pas sponsoriser les gendarmes et les policiers afin qu’ils mènent convenablement les enquêtes. Lorsque vous voyez les agents ou officiers de police judiciaire se mobiliser pour une affaire, il se pourrait, dans la majorité des cas, qu’ils ont été motivés par des proches des victimes », indique une source proche des milieux judiciaires à l’Ouest.

« C’est déplorable : même en cas de crime, personne ne s’émeut. Il faut que le plaignant débourse de l’argent pour que les enquêtes avancent. Même quand, il y a mort d’homme, l’autorité est insensible. Depuis le début de 2023, il y a eu, à ma connaissance,  plus de 05  meurtres dans la région de l’Ouest, et jamais les coupables n’ont été interpellés et traduits devant les juridictions compétentes. Quand les enquêtes sont ouvertes suite à la pression de l’opinion publique, rien n’avance. Tout baigne dans l’opacité et l’oubli. On dirait la conjuration silencieuse de l’impunité », dénonce une autre source. Approché par Journalistes en Afrique pour le développement (Jade), un officier de police judiciaire fait savoir que les enquêtes criminelles n’avancent pas à cause du manque de moyens humains et logistiques.

L’argent du carburant…

 A en croire ce commissaire de police qui a requis l’anonymat, les effectifs des unités sont insuffisants pour imposer une riposte significative face à la criminalité galopante. Le manque d’outils technologiques de pointe constitue une autre insuffisance.   L’officier de police indique que ces préoccupations sont évoquées à chaque fois que le gouverneur de la région de l’Ouest, Awa Fonka Augustine, organise une réunion de «coordination administrative et de sécurité ».

Signalons qu’en plus des dotations en carburant prévues dans le budget de la Délégation générale de la Sûreté nationale (Dgsn) ou celui du Secrétariat à la défense(Sed), chargée de la gendarmerie nationale, les commissariats de police, sur le terrain, bénéficient des dotations en carburant ou des appuis des communes pour lutter contre l’insécurité . « Hélas, à chaque sollicitation relative à la dénonciation d’un crime, souligne un habitant de Bafoussam, les commissaires ou les commandants de brigade exigent l’argent du carburant et  parfois des frais d’enquête avant de bouger.»   

Alors que   l’Article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques est assez édifiant à cet effet : « tout être humain a le droit inhérent à la vie. Ce droit est protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie. »

Pour lutter contre l’impunité, le Ceprod convoque l’article 2 du texte onusien. Il impose que : « 

1. Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.[…] 3. Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à:

a) Garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent Pacte auront été violés disposera d’un recours utile, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles;

b) Garantir que l’autorité compétente, judiciaire, administrative ou législative, ou toute autre autorité compétente selon la législation de l’Etat, statuera sur les droits de la personne qui forme le recours et développer les possibilités de recours juridictionnel;

c) Garantir la bonne suite donnée par les autorités compétentes à tout recours qui aura été reconnu justifié. »

Guy Modeste DZUDIE(Jade)

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