L’affaire Zogo au tribunal militaire. Des journalistes molestés et arrêtés

Il leur est reproché d’avoir fait des images d’ambiance lors de la sortie des suspects de l’affaire Martinez Zogo.

Arnaud Ndal en service à la chaîne de télévision Canal 2 international et Guy Alain Suffo, photographe freelance, ont subi les foudres des hommes en tenue jeudi dernier au Tribunal militaire de Yaoundé. Alors que le dispositif se mobilise pour le retour des suspects dans l’affaire de l’assassinat de l’animateur radio Martinez Zogo au Secrétariat d’Etat à la défense ((Sed), chargé de la gendarmerie, les deux opérateurs de prise de vue ont essayé d’immortaliser ce moment « capital » dans cette affaire. Il est un peu plus de 2h du matin. Pour ce deuxième déferrement devant le Commissaire du gouvernement, la foule nombreuse qui campe depuis l’après-midi, tient à vivre le sort de Jean Pierre Amougou Bélinga, Justin Danwé, Maxime Eko Eko et autres.

Arnaud Ndal, opérateur de prise de vue à Canal 2 international se trouve à l’intérieur de la clôture du tribunal et sort discrètement son téléphone pour quelques images. Guy Suffo, plus connu sous le pseudonyme de Flash, est resté à l’extérieur, avec la même intention. Puis regagne l’intérieur. Des éléments de la sécurité dissimulés dans la foule, et des employés du groupe L’Anecdote, propriété de Jean Pierre Amougou Bélinga, ne l’ont pas loupé. « Je me suis contenté de rester à l’extérieur pour capter l’ambiance puisque je sais que pour filmer à l’intérieur, je dois demander l’autorisation», tente de se justifier le photographe professionnel reconnu dans diverses arènes sportives internationales. 

Rien n’y fait. Les deux infortunés sont brutalisés. Alors que le cadreur de Canal 2 international est embarqué par la gendarmerie pour le Sed, l’autre est conduit de force devant le commissaire du gouvernement. « Ils m’ont demandé ma Carte nationale d’identité (Cni, Ndlr) pour m’identifier, puis ont vérifié les images dans mon appareil et ont constaté que je n’en ai faites qu’à l’extérieur», rapporte le journaliste qui a également  filmé avec un de ses téléphones, confisqué par les gendarmes. Après la vérification des images, l’appareil photo sera confisqué, ainsi que sa Cni et son  second téléphone.

Les négociations entamées par les journalistes cette nuit-là ont permis l’élargissement du reporter de Canal 2. Quant à Guy Suffo, rendez-vous lui a été donné en journée tant à la gendarmerie qu’au tribunal militaire, à la même heure. L’infortuné se rendra d’abord au Tribunal militaire, « puisque ma Cni s’y trouve». Pour rien !« J’ai attendu de 13h à 16h puis on m’a demandé de revenir mardi ; sans me remettre ma Cni», s’inquiète l’homme qui vit reclus depuis cette nuit-là. « J’ai conduit cette nuit-là en esquivant les contrôles de police et de gendarmerie ; et le temps du week-end, je n’ai pas pu sortir faute de Cni», se lamente-t-il.

Le ministre de la Communication (Mincom) a commis un communiqué dénonçant la communication faite autour de cette affaire ; en stigmatisant prioritairement Reporter sans frontières (Rsf), et le journal français Le Monde. Lesquelles sources ont pu obtenir les premières informations sur lesquelles se sont basées la plupart des rédactions nationales et internationales pour informer l’opinion qui réclame la vérité sur la mort du chef de chaîne d’Amplitude Fm. Sauf que pendant ce temps, ni le gouvernement, ni la commission mixte en charge des enquêtes préliminaires, et encore moins la justice militaire, ne communiquent. Laissant libre cours au recours à des sources non officielles. Avec le risque de contribuer à entraver la manifestation de la vérité.

Violations du droit à l’information

En s’en prenant aux deux reporters d’images, les forces de sécurité camerounaises violent le droit d’accès à l’information garanti par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (Cadhp) en son article 9 qui dispose en son alinéa 2, que « le droit à l’information doit être garanti par la loi, conformément aux principes suivants : toute personne a le droit d’accéder à l’information détenue par les organes publics ; toute personne a le droit d’accéder à l’information détenue par les organes privés et qui est nécessaire à l’exercice ou à la protection de tout droit».

Mais aussi, le principe 1 de la Déclaration de principes sur la Liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique, qui stipule que « la liberté d’expression et d’information, y compris le droit de chercher, de recevoir et de communiquer des informations et idées de toute sorte, oralement, par écrit ou par impression, sous forme artistique ou sous toute autre forme de communication, y compris à travers les frontières, est un droit fondamental inaliénable et un élément indispensable de la démocratie ». Lequel dispose en son principe 2 que « tout individu doit avoir une chance égale pour exercer le droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information, sans discrimination aucune». Des textes ratifiés par le Cameroun. Mais qui semblent ne pas suffire pour soutenir le droit d’accès à l’information des journalistes et auxiliaires. D’où l’urgence d’une loi nationale qui pourrait être plus contraignante. A ce sujet, une coalition de la société civile et des parlementaires, travaille depuis quelques années sur une loi du genre.

Par ailleurs, en retenant la Cni de Guy Alain Suffo, les forces de sécurité mettent le citoyen dans une situation d’insécurité et en marge de la loi N O90/42 du 19 décembre 1990 qui dit en son article 5, al.2, que « la possession et la détention de la Carte nationale d’identité, sont obligatoires sur toute l’étendue du territoire national pour tout citoyen âgé de 18 ans révolus».  L’infortuné redoute cette situation d’autant plus qu’en novembre dernier, il avait déjà subi une première injustice. Après avoir couvert le match Cameroun-Jamaïque ; le reporter qui retournait à son domicile, a été victime happé par des éléments du commissariat du 10ème arrondissement de Yaoundé, au motif du refus d’obtempérer. « Aligné derrière un taxi, la police qui effectuait le contrôle, lui a ordonné de s’arrêter ; et moi j’ai voulu le doubler c’est là que le policier saute sur mon véhicule et m’accuse d’avoir refusé de me garer pour laisser passer le cortège du délégué général à la sûreté nationale», avait rapporté la victime qui a dû séjourner en cellule 24h. « C’est le délégué général lui-même qui donnera l’ordre de le libérer», avait indiqué un responsable de ce commissariat.    

Lindovi Ndjio (Jade)

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