Presse Camerounaise, violation des droits des femmes journalistes

Précarité, combativité… et recherche de la vérité et de la dignité

La vulnérabilité des femmes journalistes se traduit notamment par la quasi-absence de contrats de travail et la non prise en charge des congés de maternité. Des manquements contraires aux exigences de la Charte de Munich et au protocole additif de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et relatif aux droits de la femme.

« Je vais mourir pauvre, mais dans le journalisme.» Membre du syndicat national des journalistes du Cameroun (Snjc), Flore Kengne Kamga est principalement correspondante à l’Ouest de la chaîne de télévision Binews et promotrice du site d’informations en ligne relais237.com. Elle tient à « informer sans greffe ni amputation ». Cette journaliste diplômée de l’Institut supérieur Siantou de Yaoundé est prête à tout pour défendre ses droits personnels et la profession de journaliste… Pas seulement lors de la célébration de la journée internationale de la femme, le 8 mars de chaque année.  Bref, elle symbolise la combativité  et la sensibilité de la femme journaliste dans la région de l’Ouest.

Eugénie Nkandjé cumule, quant à elle, de nombreuses années de service comme animatrice dans plusieurs radios du côté de Bangangté. Plusieurs fois, à cause de la précarité, elle a voulu abandonner pour passer à autre chose. Car après plus d’une dizaine d’années de travail, elle ne connaît pas les droits et obligations définis dans un contrat de travail et n’est pas affiliée à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps). D’où un quotidien ponctué par une chaîne de lamentations pour cette animatrice quine laisse point indifférent les amateurs des tranches matinales dans le chef lieu du département du Ndé. Mère de trois enfants, Eugénie Nkandjé n’a pas bénéficié des commodités et indemnités de congés de maternité.  Elle incarne en quelque sorte la vulnérabilité des femmes journalistes.

Rupture conflictuelle

Employée, sans aucun contrat de travail par www.camerpressagency.com, Flore Kamga Kengne  a écourté sa relation de travail, en juin 2020, par une lettre de démission transmise à Simon Emmanuel Tchameu, promoteur de cet organe de presse cybernétique. «En effet, depuis le mois de novembre 2019, je vous ai signifié mon incapacité à assumer ces fonctions pour cause de précarité. Sans toutefois m’attarder à énumérer vos promesses non tenues… », écrit-elle en substance dans sa lettre de démission datée du 27 juin 2020. Cette préoccupation ressort du point 5 de la déclaration de Munich sur les droits des journalistes. Ce texte dispose :« En considération de sa fonction et de ses responsabilités, le journaliste a droit non seulement au bénéfice des conventions collectives, mais aussi à un contrat personnel assurant sa sécurité matérielle et morale ainsi qu’une rémunération correspondant au rôle social qui est le sien et suffisante pour garantir son indépendance économique.»

Cette rupture conflictuelle  aurait été déclenchée suite à un article écrit par la journaliste qui travaillait sans salaire et repris par Observateur France 24.« J’ai appris il y a un mois que j’ai été reprise par France 24. Or c’est depuis décembre 2019 que je signale ma démission à Tchameu. Même si un observateur de France 24 m’a appelé, j’ai juste répondu aux questions.  Il (Simeon Tchameu : NDLR)a ajouté au journalisme le côté administratif de son entreprise. Même si je n’ai jamais eu de salaire ou les frais de piges, c’est surtout son mépris qui m’a courroucé .Quand il m’a dit que je ne suis pas bien ses affaires administratives, je lui ai dit qu’il m’a demandé de l’aide et que j’ai accepté par amitié mais que je ne veux pas m’encombrer », explique Flore Kengne Kamga.

L’organe français a-t-il versé une rétribution à titre de frais  pige ? Il est difficile de répondre à cette question. Siméon Emmanuel Tchameu,  le promoteur de cet organe, indique n’avoir rien reçu : « Quand je la mets en contact avec le journaliste des Observateurs de France24, c’est parce que je suis moi-même un observateur depuis longtemps. Ils ont publié mes articles, mais je ne sais pas s’ils donnent de l’argent. Car je n’en ai jamais reçu.»

Pareillement, la journaliste affirme ne pas avoir été rétribuée suite à ladite publication.  Sans frais de reportage et enceinte de plusieurs mois, elle s’était rendue sur le terrain pour collecter des informations au sujet d’une chaussée affaissée au Boulevard de l’Évêché à Bafoussam suite à l’éboulement de Ngouache survenue en octobre 2019. Séparé de camerpressagency, la journaliste n’a eu droit à  aucune indemnité ni rémunération, même pendant sa maternité.

Quel lien entre spot et journalisme ?

Elle est d’autant plus choquée que son employeur a essayé de lui demander d’exécuter des tâches qui relèvent de la compétence du service commercial.  « Après l’élection municipale [de février 2020 : NDLR], Tchameu m’a demande d’aller voir le maire de Bafoussam 1erafin de négocier un marché pour les spots et le suivre dans sa communication. Il m’a déclaré : »Si tu prends 5 millions, tu as 1 million, tu verses 4 millions à SET Digital solution. Tu abandonnes ce que tu fais à STV là, tu suis le maire. Le maire n’a pas les activités tous les jours. Tu as tes 100 000 FCFA le mois et tu es free! », rapporte la journaliste.  « Quand je lui demande ce que je vends, il me répond : les spots. Je lui redemande le lien entre spot et journalisme, il me déclare : « C’est comme ça que vous allez mourir pauvre ». Une manière pour cette journaliste-syndiquée de se conformer aux points 9 et 10 de la déclaration des devoirs des journalistes prescrits dans la Charte de Munich sur les droits et devoirs des journalistes. «  9) ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs;10) refuser toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction »,peut-on lire dans ce texte de portée internationale.

Autre lieu, autre violation contre une femme journaliste. A Bafang, Aimée Djagué, chef de chaîne de radio site d’art, est l’objet de menaces de la part d’hommes politiques. Elle est actuellement l’objet d’une procédure chez le procureur de Bafang…Il existe aussi bien des cas où des femmes journalistes sont sexuellement harcelées par des interlocuteurs ou des acteurs de la scène publique. Des pratiques condamnées par Simon Ekolle Penda, délégué régional de la communication de l’Ouest. Plusieurs fois, ce fonctionnaire a exprimé son soutien aux journalistes victimes de divers abus. Dans la foulée de la célébration de l’édition 2021 de la journée internationale de la femme, le Syndicat national des journalistes du Cameroun par la voix de quelques uns de ses dirigeants (Denis Nkwebo, Charles Nforgang, Marion Obam) a brillé par des publications sur les réseaux sociaux en vue de promouvoir la dignité de la femme journaliste au Cameroun. Tout ceci suivant l’article 3 du protocole additif de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et relatif aux droits de la femme qui prescrit le respect de la dignité de celle-ci et impose aux Etats de prendre des dispositions pour le développement de la personnalité de la femme.

Guy Modeste DZUDIE(JADE)

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