Police judiciaire. Arrestation abusive et détention illégale d’une journaliste

Arrêtée et détenue arbitrairement à Yaoundé, puis à Douala, Lyse Davina Nguili a passé une semaine en cellule, en violation de ses droits.

Lyse Davina Nguili est libre. La journaliste a vu les charges retenues contre elle levées après son passage par devant le procureur de la République près le Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo. Arrivée au parquet aux environs de 10h, vendredi, 19 mars 2021, accompagnée de sa famille et assistée par son avocat, c’est aux environs de 19h que la nouvelle de sa libération va tomber. Une nouvelle qui a réjouit l’ensemble des journalistes et la famille de Lyse Davina Nguili qui s’apprêtait à passer sa septième nuit dans les cellules de la Direction régionale de la Police judiciaire (Drpj) du Littoral. Car, son calvaire commence, samedi 13 mars dernier à Yaoundé.

« Samedi dernier, j’étais endormie à la maison lorsque je suis réveillée par la sonnerie de mon téléphone. Je le prends, c’est ma sœur jumelle. Je le décroche et elle me dit qu’elle est à la Police judiciaire (Pj), qu’elle a été interpellée et qu’on l’accuse d’utiliser un téléphone volé. Subitement, j’entends la voix d’un homme qui me dit que ma sœur utilise un téléphone volé, et qu’elle leur a dit que je peux me porter garant pour qu’elle soit remise en liberté. Et donc, que je dois venir de toute urgence la faire sortir », relate Lyse Davina Nguili qui saute de son lit, prend un sac à main et fonce vers la Pj. Une fois au commissariat, sa sœur jumelle est sommée de partir et elle, délestée de tous ses biens. «Les policiers s’emparent de mon sac et de tous les objets en ma possession. Je me suis dis que c’est la procédure au commissariat. Puis, un policier me demande de m’asseoir, et se met à m’assaillir de questions : mon nom, mon âge et bien d’autres choses », explique t-elle.

Arrestation abusive

Après avoir insisté pour connaître les raisons de cet interrogatoire, il lui est brandi un document datant du 28 juillet 2020. Réalisant que la journaliste ne comprend toujours pas de quoi il est question, c’est alors que le policier l’informe de ce que Marème Mbaye Ndiaye, directrice générale de la Société générale Cameroun a porté plainte contre inconnu pour diffamation, et qu’après enquêtes, ils ont retrouvé son nom. Puis, les questions s’enchaînent sans que la journaliste ne sache ce qui lui est concrètement reproché. « Il me demande si je connais Jean Pierre Samedjo, mon ancien patron. Je lui dis qu’il était juste mon patron, et qu’on a arrêté de travailler depuis le mois de janvier 2021, parce qu’il me doit de l’argent ». Après de nombreuses autres questions, elle est informée de ce que l’enquête doit se poursuivre à Douala et qu’ils vont s’y rendre demain (dimanche), de bonne heure.

Après supplication, on lui autorise quand même de passer un appel. Le coup de fil dure à peine quelques secondes, puis on lui arrache son téléphone des mains. Sa famille l’a rejoint dans la nuit pour s’enquérir de la situation et est informée de ce que « l’affaire n’est pas du ressort de Yaoundé, parce que c’est la Pj du Littoral qui a procédé à l’interpellation ». Sans plus. Cette dernière n’est également pas informée des raisons réelles de l’arrestation de leur fille, malgré leur insistance. Le lendemain (dimanche), à 10h, Lyse Daniva Nguili est sortie de sa cellule. Avec les enquêteurs, ils empruntent un bus Vip d’une agence de transport interurbain, pour rallier Douala où sa garde à vue va se poursuivre à la Direction régionale de la police judiciaire pour le Littoral (Drpj).

Détention illégale

C’est une fois là-bas qu’elle est informée de ce que Marème Mbaye Ndiaye a porté plainte pour diffamation parce qu’elle a été taxée de femme adultère, le 24 juillet 2020, suite à une publication du site web Kwat info diaspora. « L’article disait que lorsqu’elle n’est pas à Douala, elle est à Yaoundé dans une chambre à l’hôtel Hilton avec le Minfi », renseigne la journaliste qui expliquera également aux enquêteurs ne rien savoir de cette affaire. « Je ne sais rien parce qu’à cette période-là, je ne travaillais pas encore avec le promoteur de ce site. Il m’a envoyé mon contrat de recrutement le 09 novembre 2020 à 12h02. Mais le contrat ne précise pas la date de recrutement. Il a publié l’avis de recrutement sur Facebook et j’ai postulé le 1er novembre. Avant mon interpellation, je n’avais jamais entendu parler de Kwat info, ni de la Dg de cette banque », explique t-elle à l’enquêteur qui l’informe de ce que son dossier va être transféré au parquet.

Et c’est ainsi que se pointe à l’horizon, sa deuxième nuit en cellule. La veille, à la Drpj du centre à Yaoundé, la prévenue avait passé la nuit toute seule dans une cellule. A Douala, les conditions de garde à vue sont plus rudes. Amassées une dizaine dans une petite cellule non aérée par une fenêtre, les détenues partagent cet espace avec des insectes et des puces. « La cellule a une odeur nauséabonde et désagréable. Même si on a le droit de recevoir les visites aux heures indiquées, les conditions de détention ne sont pas vraiment bonnes », note-t-elle.

Une détention qui s’est faite en violation des lois et traités internationaux ratifiés par le Cameroun sur l’arrestation et la détention des prévenus. Le Pacte international relatif aux droits civiques et politiques (Pidcp), stipule par exemple en son article 9 alinéa 3 que « (…) la détention des personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être une règle, mais, la mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant la comparution de l’intéressé à l’audience, à tous les actes de la procédure et, le cas échéant, pour l’exécution du jugement ». Le même article stipule que « nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire ». Des abus qui se sont poursuivis tout au long de sa garde à vue dans le cadre de cette affaire de diffamation pour laquelle la journaliste Lyse Davina Nguili est interpellée et détenue depuis le samedi 13 mars dernier.

Par Blaise Djouokep (Jade)

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