Mise à jour du fichier électoral, Pas d’équipements et matériels électoraux pour les handicapés

La fin de la période de révision des listes électorales est prévue le 31 Aout. Les personnes handicapées se plaignent de n’avoir pas été approchés par les équipes de Elections Cameroon (Elecam). Une polémique qui relance les discussions sur les nombreux problèmes rencontrés par les handicapés en politique, malgré la loi qui doit pourtant les protéger. 

Noubelé Gérôme, malvoyant, réside au quartier Tergal à Douala. Suite à une maladie respiratoire, deux de ses frères sont décédés au début du mois de Mars. Depuis l’annonce de révision des listes électorales, Gérôme a attendu en vain que les équipes des élections Cameroon (Elecam) se présentent à leur domicile pour prendre les informations afin de faire la mise à jour du fichier électoral, mais personne ne s’est présenté.

Officiellement, les opérations de révision des listes électorales s’achèvent le 31 Aout. Ce qui suscite encore plus d’inquiétude. « Pour toiletter le fichier électoral, il faut enlever des anciennes listes les noms de ceux qui sont morts, les noms de ceux qui ont changé de lieux de résidences et ainsi de suite. Une équipe est censée venir vers nous, les handicapés, puisqu’ils savent où nous trouver. Nous avons été identifiés et localisés par notre commune» explique Gérôme.

Fatigué donc d’attendre, il décide de se rendre dans un centre Elecam situé au quartier Akwa. Malheureusement pour lui, dans ce centre, les responsables l’informent qu’il n’y a pas de documents en braille réservés pour les personnes qui ont des handicaps comme lui. Il est renvoyé à son domicile. En attendant que « la commande soit passée à Yaoundé ».

Ngjitemede Emmanuel a eu les mêmes difficultés lors des élections municipales et législatives de 2007. « Au centre de vote du lycée d’Akwa Nord, Elecam m’a dit qu’il n’y a pas de bulletins de vote en braille pour nous. Qu’ils ont attendu, mais ce n’est pas arrivé de Yaoundé. Pire encore, lors du retrait des cartes d’électeurs, aucune disposition n’avait été prise pour recevoir les handicapés moteurs et les malentendants. Beaucoup se sont fait bousculer. Certains ont parcouru plusieurs centres, traversant de nombreuses difficultés, et n’ont finalement pas eu leur carte d’électeur. La réglementation concernant les personnes handicapées n’est pas du tout respectée », indique-t-il. 

Calvaire en période électorale

En période électorale, l’affichage publicitaire et les affichages des effigies des différents candidats des partis politiques ne tiennent également pas compte des handicapés, qui sont exclus des différents messages.

« Nous irons voter comme toute autre personne. Pourquoi ne sommes-nous pas sensibilisés sur les différents messages de campagne ? Sur la base de quoi allons-nous faire notre choix ? » S’interroge un malvoyant au quartier Nkoiloulou.

« Ils ne nous considèrent pas comme des êtres humains ? L’Etat nous a dit qu’il mettrait à notre disposition des cd auditifs pour les malvoyants, pour leur permettre d’être au même niveau que le citoyen ordinaire. Mais nous n’avons rien reçu de tout ça. Pour les campagnes à la télévision, les annonces, les indications parfois sur les bureaux de vote qui changent. Ils ne pensent pas à nous. C’est déplorable », regrette Luttin Michael, malentendant, coordonnateur d’une association d’handicapés démunis au quartier New Bell.

Cas des handicapés mentaux

« Il faut respecter les droits de vote des personnes porteuses d’un handicap mental. Elles ont une responsabilité citoyenne », confie Fabienne Madé, la maman de Rachelle âgé de 26 ans, atteinte d’une trisomie 21.

Même si Rachelle est autorisée à voter depuis sa majorité, et a déjà participé à une élection, ce n’est pas le cas pour de nombreuses personnes déficientes mentales. On classe dans le même registre, les personnes atteintes de handicap intellectuel ou psychique et des personnes âgées présentant des troubles. Selon la délégation régionale de la santé du Littoral, on en compte aujourd’hui 200 000 à 300 000. Et seulement 10% ont accès au vote.

Pour ces types de personnes, les parents ont un rôle d’éclaireurs primordiaux, puisque l’Etat les a oubliés. C’est à eux qu’incombe la responsabilité de guider leurs enfants handicapés vers la citoyenneté. « Rachelle sait ce que voter signifie. On le lui a expliqué. Elle fait la différence entre les types d’élections présidentielles ou municipales. Elle s’intéresse à certains débats de candidats. En plus de la télé elle suit sur Facebook et You tube. Elle discute beaucoup avec nous en famille et aussi au sein de son centre d’accueil pour handicapés », confie sa maman.

Elecam l’organe chargé de réguler les élections, oublie que les personnes handicapées mentales n’ont pas les mêmes ressentis que les autres. Pourtant elles ont le droit de voter. Il faut donc mettre à leurs dispositions des éléments pour leur permettre de faire leur choix politique. Des outils pourtant prévus par la loi, mais absents sur le terrain.  

Elecam se défend

« Selon la loi, l’organe chargé des élections doit mettre en place le mode de vote et de renouvellement des listes pour les handicapés visuels, auditifs et autres. Malheureusement, ce n’est pas toujours ce qui se passe sur le terrain » affirme Ghislain Koungang, responsable de la communication de l’organe Elecam de la région du Littoral.

Pour lui, selon la loi, dans une période de renouvellement de fichier électoral, pour les personnes handicapées, il faut actualiser le fichier pour faire ce qu’on appelle une mise à jour. Elecam n’envoie pas ses agents vers ces personnes comme le demande la loi. 800 à 1000 personnes handicapés représentants 10% de la liste électorale ont été recensées lors de la dernière élection. La loi demande de trouver les moyens pour renouveler leurs listes, différemment des autres.

Au niveau des inscriptions, la loi demande de recenser dans chaque commune le nombre de personnes handicapées ainsi que la nature de leur handicap. Il faut faire une campagne spécifique adaptée à ces personnes.

En période de vote, Elecam doit mettre à la disposition des personnes handicapées des documents adaptés en fonction de leurs handicaps. Pour les handicapés visuels et auditifs, ils doivent avoir des documents en braille, des bulletins de votes en braille. Pour les malvoyants, on fait des cd auditifs pour les sensibiliser, pour les handicapés moteurs, on aménage des endroits spécialisés pour eux, pour leur faciliter l’accès aux urnes. On met aussi à leurs dispositions un personnel d’Elecam pour les accompagner. Après le scrutin, on doit également continuer de les sensibiliser.

Loi violée

L’article 29 de la convention relative aux droits des personnes handicapées indique que « l’Etat veille à ce que les procédures, équipements et matériels électoraux soient appropriés, accessibles et faciles à comprendre et à utiliser par les handicapés. Faire en sorte que les personnes handicapées puissent effectivement et pleinement participer à la vie politique et à la vie publique sur la base de l’égalité avec les autres, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de représentants librement choisis, et notamment qu’elles aient le droit et la possibilité de voter ». Des règles pas totalement respectées .

Hugo Tatchuam (JADE)

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