Des milliers d’enfants sourds-muets ne vont plus à l’école

L’Etat ne subventionne pas les œuvres sociales privées

Seulement 110 enfants sourds-muets fréquentent depuis la rentrée scolaire au centre de rééducation des sourds-muets à Douala. Les parents préfèrent abandonner leurs enfants à la maison à cause des Frais de scolarités élevés, et du découragement. L’Etat qui selon la loi, a l’obligation de subventionner ces centres de formations a totalement abandonné ses devoirs, en violation de la convention relative aux droits des personnes handicapées ratifiée par le pays.

Jeudi 30 septembre 10h. Robert Nyat, directeur du centre de rééducation des enfants sourds (Cres) situé au quartier New Bell à Douala reçoit une dame dans son bureau. Madame Jeanne Nfengey est venue inscrire son enfant jacques âgé de 12 ans. Chose curieuse, la dame explique au directeur du centre que Jacques à l’âge de 4 ans, avait été inscrit dans une école.

Mais, n’ayant pas payé la totalité des frais de scolarité, il a été renvoyé de l’école. Et depuis cet âge, jacques n’a plus jamais remis les pieds dans une école jusqu’à l’âge de 12 ans. Donc il a passé 8 ans à la maison sans aller à l’école. A 12 ans, va-t-il  être inscrit en petite section maternelle avec les autres enfants de 3 ans ? Va-t-il être inscrit dans une classe plus avancée qui correspond à son âge alors qu’il n’a reçu aucune formation ?

Stupéfait et dépassé par cette situation, Robert Nyat totalement confus ne sais quelle décision prendre. Mais cette situation pour lui, traduit de façon générale, les difficultés auxquelles sont confrontés les enfants sourds-muets de nos jours.

« Heureusement que vous êtes venu quand je recevais cette dame. Vous-même vous avez vécu cette situation. Je ne vous l’ai pas seulement raconté. Plus d’un mois après la rentrée scolaire, des milliers d’enfants sourds-muets sont abandonnés dans les domiciles. Les parents disent qu’ils ne peuvent pas investir de l’argent sur ces enfants handicapés parce qu’ils ne pourront pas plus tard travailler et rapporter de l’argent à la maison. Ils préfèrent envoyés les enfants normaux à l’école et abandonner les malentendants ou ceux qui présentent d’autres handicaps » explique Robert Nyat.

Le centre de rééducation des enfants sourds (Cres) compte à cette date seulement 110 enfants inscrits pour le compte de l’enseignement maternel et primaire. Dans une ville où les associations et organisations non gouvernementales dénombrent  plus de 2000 enfants malentendants. Le cres est l’un des deux centres de formations privés, avec l’école Idav basée à Bonamoussadi,  qui assurent la formation des enfants sourds-muets dans la ville de Douala et dans la région du Littoral. Classé dans la catégorie des « œuvres sociales privées », le directeur du Cres affirme que l’Etat selon la loi, a l’obligation de subventionner, financer et équiper les ateliers situés dans ces centres de formations.

« Ici au Cres, nous avons des ateliers de formation des enfants pour la menuiserie, la couture, l’art plastique et bien d’autres. Les enfants sourds selon le planning pédagogique doivent sortir d’ici étant aptes à exercer un petit métier pour éviter d’être des mendiants dans la société. Mais le gros problème c’est l’Etat qui a abandonné ses missions. L’Etat ne donne plus d’argent aux œuvres sociales privées comme le demande la loi. C’est le ministère des affaires sociales qui est notre ministère de tutelle qui doit financer les activités du centre. Une partie de la subvention doit porter sur le payement des frais de scolarités. Le ministère à travers sa subvention doit dans les normes rendre la scolarité gratuite, au même niveau que la gratuité chez les enfants normaux dans les écoles primaires classiques. Mais ici au Cres, tout ce que nous bénéficions en ce moment, c’est le bâtiment que l’Etat nous a offert. L’Etat nous a totalement abandonné » déplore Robert Nyat, le directeur du centre de rééducation des enfants sourds.

Par ailleurs, l’Etat a l’obligation de créer des centres publics de formation des enfants sourds-muets. Ce qui n’est pas le cas, car dans tout le pays, il existe un seul centre public de formation des enfants malentendants. Le centre de Etougue bé situé à Yaoundé et nouvellement construit. L’organisation camerounaise pour le développement des sourds estime à 30 000 le nombre de personnes présentant des troubles auditifs au Cameroun. Les structures de formation sont donc très largement insuffisantes.

A Yaoundé, l’école spécialisée pour enfants déficients auditifs (Eseda) dirigée par Francine Angue est la plus connue. Avec moins de 50 enfants inscrits cette année, le centre rencontre les mêmes difficultés que ceux de Douala. Les frais de scolarité dans ces écoles s’élèvent à 130 000 fcfa. La colère des directeurs des œuvres sociales privées est donc justifiée.  

Le ministère des affaires sociales se défend

 Le tout nouveau délégué régional des affaires sociales pour le Littoral Armand Djamamane reste évasif sur la question. « Le gouvernement camerounais à travers le ministère des affaires sociales doit normalement financer l’éducation de base, accompagner et soutenir fortement les institutions privées. Mais ces dernières années, les directeurs des centres privés de formation pour enfants sourds ainsi que d’autres types d’handicaps  sont un tout petit peu abandonnés à eux-mêmes pour des raisons qui restent internes. Mais cela n’enlève rien à la volonté de l’Etat » se justifie t- il.

Le gouvernement a toujours soutenu que les enfants déficients auditifs au Cameroun ont les mêmes chances de réussir un parcours académique que ceux qui ont toutes leurs facultés, et pour cela l’Etat doit les accompagner notamment à travers la gratuité des enseignements. Mais sur le plan pratique, cette annonce n’est pas appliquée.

Violation de la loi

Les manquements de l’Etat constituent une violation de l’article 24 de la convention relative aux droits des personnes handicapées. Elle stipule que « Les États Parties reconnaissent le droit des personnes handicapées à l’éducation. En vue d’assurer l’exercice de ce droit sans discrimination et sur la base de l’égalité des chances, les États Parties font en sorte que le système éducatif pourvoie à l’insertion scolaire à tous les niveaux et offre, tout au long de la vie, des possibilités d’éducation qui visent à l’épanouissement de la personnalité des personnes handicapées, de leurs talents et de leur créativité ainsi que de leurs aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités. Par ailleurs, Aux fins de l’exercice de ce droit, les États Parties veillent à ce que les personnes handicapées puissent, sur la base de l’égalité avec les autres, avoir accès, dans les communautés où elles vivent, à un enseignement primaire inclusif, de qualité et gratuit, et à l’enseignement secondaire ». Des dispositions à mettre en application.

Hugo Tatchuam (Jade).

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