Les autorités en charge des affaires sociales justifient cette situation par le fait qu’il y a des personnes de mauvaise foi qui se font établir des cartes d’invalidité pour recevoir de l’assistance sociale alors que leur état ne prouve pas qu’elles sont nécessiteuses.
Jean Bertin Ndamfeu, la quarantaine entamée, secrétaire général de l’Association pour l’intégration des personnes de l’Ouest, entend se déployer au-delà de la ville de Bafoussam pour vulgariser la loi de 2010 et tous les instruments juridiques internationaux qui concourent à la protection des personnes handicapées. « Je n’ai peur de personne lorsqu’il s’agit de défendre les droits de la personne handicapée. Nous sommes des êtres humains comme les autres. Même si la nature a voulu que nous vivons avec un handicap, cela ne veut pas dire que nous sommes des sous-hommes.
Nous déplorons un seul fait : il est difficile pour la personne handicapée de disposer d’une carte d’invalidité préalable à la jouissance de plusieurs droits énoncés dans la loi du 13 avril 2010 sur la protection et la promotion des droits des personnes handicapées et son décret d’application qui date de juillet 2018 », explique-t-il. Il fait savoir que moins de 25 personnes dans cette association d’environ 100 membres régulièrement inscrits, et dont il a la charge en qualité de secrétaire général, sont titulaires d’une carte d’invalidité. Cette situation s’étend à une bonne frange de la population handicapée de la région de l’Ouest. Dans la ville de Bafoussam par exemple, de nombreux handicapés dénoncent des lenteurs et blocages administratifs qu’ils doivent affronter au moment de l’établissement d’une carte d’invalidité. Ce qui les amène au découragement et à l’abandon des procédures.
« Le service social de l’hôpital régional de Bafoussam est toujours fermé. De nombreux handicapés n’ont pas de certificat médical qui détermine le niveau de leur déficience. C’est une pièce maîtresse en vue de l’établissement du certificat d’invalidité. Reste qu’il n’est pas aisé de l’obtenir. Ceux qui vivent en zone rurale sont plus paralysés que nous autres de la ville. Ils ne disposent pas de carte et sont privés des facilités reconnues aux handicapés dans le cadre de la solidarité nationale », soutient Jean Bertin Ndamfeu.
Mingué Moise, né vers 1930 à Batoufam où il réside également, est déficient visuel. Il ne dispose d’aucune carte d’invalidité. Il en est de même de Njongué Pierre, également déficient visuel à Batoufam.
Permettre une campagne de sensibilisation
Les responsables des organisations des personnes handicapées se plaignent que l’Etat du Cameroun, ne prend aucune disposition pour favoriser l’établissement, de manière systématique, des cartes d’invalidité aux handicapés. Cette accusation relativisée au niveau des services deconsentrés des affaires sociales. « Nous sommes disposés à travailler pour la protection et la promotion des droits des personnes handicapées. Nous exigeons juste que les choses se passent dans le respect des procédures. Nous sommes rigoureux parce qu’il y a des personnes de mauvaise foi qui se font établir des cartes d’invalidité pour recevoir de l’assistance sociale et pourtant leur état ne prouve pas qu’elles sont nécessiteuses. Sur instruction ministérielle, chaque délégué départemental des affaires sociales est compétent pour signer une carte d’invalidité.
Mais avant cela, il doit procéder à une enquête minutieuse sur l’état du handicap et la situation social et économique de la personne qui sollicite ce document. Au menu des pièces exigées, la présence d’un certificat médical légal établi et signé par un médecin assermenté est primordiale. Nous ne voulons pas de faux », explique Fidelis Njié, délégué régional des affaires sociales de l’Ouest à Bafoussam. Il tient à faire savoir que l’Etat du Cameroun, à travers le ministère des Affaires sociales, s’est engagé au respect des instruments juridiques internationaux qui concourent à la protection et à la promotion des droits des personnes handicapées. Une manière de se conformer à la Convention internationale sur le droit des personnes handicapées. L’article 4 de ce texte portant obligations générales prévoit :
« 1. Les États Parties s’engagent à garantir et à promouvoir le plein exercice de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales de toutes les personnes handicapées sans discrimination d’aucune sorte fondée sur le handicap. A cette fin, ils s’engagent à : a) Adopter toutes mesures appropriées d’ordre législatif, administratif ou autre pour mettre en œuvre les droits reconnus dans la présente Convention; b) Prendre toutes mesures appropriées, y compris des mesures législatives, pour modifier, abroger ou abolir les lois, règlements, coutumes et pratiques qui sont source de discrimination envers les personnes handicapées .» Plus explicitement, l’article 41 de la loi n°2010 / 002 du 13 avril 2010. portant protection et promotion des personnes handicapées dispose: «Il est institué au profit des personnes handicapées une carte nationale d’invalidité dont les modalités d’établissement et de délivrance sont fixées par voie réglementaire. »
Permettre une campagne de sensibilisation des personnes handicapées sur l’importance et l’utilité d’une carte d’invalidité et favoriser l’établissement systématique de la carte d’invalidité pour toute personne handicapée constituent un défi pour Jean Bertin Ndmafeu et plusieurs autres leaders des associations des personnes handicapées dans la région de l’Ouest et, au-delà, notamment sur l’ensemble du triangle national Camerounais.
Guy Modeste DZUDIE (JADE)