Le corps de Faith Ngati âgée de 23 ans a été retrouvé le dimanche 20 mars dans sa chambre à Bafoussam, violée et poignardée. Cette déplacée anglophone qui habitait à Bamenda avait fui les conflits armés pour se réfugier dans cette ville. Lors de son inhumation le 23 mars, les habitants de son village dans le département du Donga-Mantum sortis par centaines, ont condamné le mépris des autorités qui n’ont ouvert aucune enquête.
« Nous, habitants du village Binka dans le département du Donga Mantung, nous pleurons notre fille. Elle avait quitté le village pour échapper à la mort. Malheureusement, c’est à Bafoussam où elle était censée être en sécurité que des inconnus sont venus l’assassiner. Que l’Etat ouvre une enquête pour arrêter ces criminels », affirme l’un des membres de la famille de la jeune Faith Ngati transportant la dépouille dans un cercueil.
Entre cris et lamentations, la colère est montée d’un cran. « Le jour de sa mort, aucun élément de la police n’est venu prendre des informations. Mais qu’est ce qui les empêche de rechercher les assassins et nous les livrer ? Nous voulons en découdre avec eux. Il est lâche de violer et tuer de la sorte une si petite fille », se lamente un autre membre de la famille.
« Recherchez les coupables et punissez les. Que justice soit faite !» scandent les femmes vêtues de noir. C’est pratiquement tout le village qui est sorti, transportant le cercueil de la jeune fille, de l’entrée de la bourgade jusqu’au lieu d’enterrement. D’autres personnes transportaient des pancartes avec la photo de Faith avec l’inscription « Rest in heaven Ngati Faith. You are always loved and never forgotton ».
Circonstances troubles du décès
Selon une source, les images atroces du corps de la jeune fille témoignaient de la violence du meurtre. Nue, allongée sur le lit, poignardée à plusieurs reprises, les murs ensanglantés. La même source rajoute que la jeune fille habitait seule. Depuis deux jours elle ne répondait pas aux coups de fils des membres de sa famille. Intrigués, son frère et sa cousine partis de Bamenda vont se rendre chez elle et feront la découverte macabre.
Selon d’autres informations, ni le frère, ni la cousine de la défunte ne s’est rendue dans une unité de gendarmerie ou de police pour déposer une plainte et exiger qu’une enquête soit ouverte. Le corps a tout simplement été conduit à la morgue de l’hôpital régional. La grande famille de la fille se trouvant dans la région du Nord-Ouest.
Les unités de gendarmerie ne sont pas au courant de ce décès
L’adjudant Motapon, adjoint au commandant de la brigade de gendarmerie de Djelend 5 dans le cinquième arrondissement de la ville de Bafoussam, dit ne pas être au courant du décès de cette jeune fille. « J’ai passé des coups de fils dans les quatre autres grandes brigades de gendarmerie de la ville, à la brigade terre, dans les unités de police du quartier Haoussa, de Ndiandam, de Nkonso vers Bamougoum. Toutes disent ne pas être au courant du décès de cette jeune fille déplacée interne », affirme l’adjoint au commandant. Aucune enquête n’a été ouverte chez eux. Mais ils ont entendu une information qui circulait dans la ville, rien de plus.
« Nous maîtrisons la ville, mais certaines informations peuvent nous échapper. Nous n’avons pas été mobilisés au sujet de ce décès », reconnait un autre haut gradé du groupement mobile d’intervention de Bafoussam qui a gardé l’anonymat. Une négligence dans le traitement de la sécurité des déplacés qui inquiète.
Le gouverneur appelle au calme
Deux mois seulement après la fin de la coupe d’Afrique des Nations organisé par le Cameroun, et dont la ville de Bafoussam recevait une poule, le gouverneur de la région de l’Ouest, Awa Fonka Augustine, affirme que la sécurité a été renforcée dans la ville, et qu’en ce moment, il n’y a pas de relâchement. Sans promettre de l’ouverture d’une enquête, il indique tout simplement que l’état-major va être interpellé lors de la réunion de sécurité, et qu’une solution sera trouvée.
Une information banalisée dans les radios locales
Marc Aurelle Yonga, journaliste à la radio gouvernementale Poala fm, indique que l’information a juste été donnée comme une simple annonce, et pas plus. « Nous n’avons pas regroupé les éléments autour de cette information. Elle est passée comme ça, sans aucun intérêt », explique-t-il.
A la radio communautaire Batcham, la journaliste Charlenne S. va dans le même sens. « La radio est allée uniquement à la rencontre d’un seul membre de la famille de la défunte, et pas plus. Le traitement des informations sur les déplacés anglophones n’est pas une priorité de la radio », souligne-t-elle.
Ce n’est pas le premier cas d’assassinat
L’association de défense des droits humains AETIC affirme que c’est la troisième jeune fille déplacée a être assassinée. Les victimes sont généralement des filles vulnérables, puisqu’elles n’ont pas de travail. « Elles sont la proie des mafieux qui les entraînent dans la débauche. »
Dans le cadre de l’exécution de son programme spécial d’aide à la réinsertion des personnes vulnérables et défavorisées, elle organise depuis plusieurs années des formations pour venir en aide à ces jeunes déplacées anglophones. 80 ont été formées cette année.
Violation de la loi
L’article un du principe directeur de l’Onu sur les déplacés internes rappelle pourtant que «les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays jouissent, sur un pied d’égalité, en vertu du droit international et du droit interne, des mêmes droits et libertés que le reste de la population du pays. Elles ne doivent faire l’objet, dans l’exercice des différents droits et libertés, d’aucune discrimination fondée sur leur situation en tant que personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ».
L’article 6 du pacte international relatif aux droits civils et politiques de rajouter que « le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie ».
Hugo Tatchuam (Jade)