Le maire de la commune de Bankim, Angelbert Mveing, vient de lancer l’alerte face aux conséquences des conflits agropastoraux qui se passent au Nigeria, entraînant la fuite des milliers de familles Mbororos qui ont trouvé refuge dans les villages de son arrondissement, faisant gonfler les effectifs dans les écoles. Les écoles déjà en mauvais état, effondrées ou en manque de « tables bancs », n’ont pas ouvert leurs portes depuis la rentrée scolaire. L’élu demande de l’aide aux ongs et associations.
Les journées de Berima, jeune Mboro de 10 ans, se suivent et se ressemblent. Ce lundi 21 Mars 2022, comme d’habitude, il a passé la matinée à nourrir le bétail de son papa. Près de 600 bœufs. Dans l’après-midi il va chercher du bois de chauffage et de cuisson pour sa maman. L’année dernière, inscrit en classe de cours élémentaire première année à l’école publique de Nassarao, il avait eu l’admissibilité pour la classe suivante. Mais depuis le début de l’année scolaire en septembre 2021, Berima ne va plus à l’école. Les murs des salles de classes construits en pailles se sont effondrés pendant les grandes vacances.
Le jour de la rentrée scolaire, les 400 élèves de l’école se sont présentés, mais le directeur leur a demandé de rentrer, le temps qu’on puisse faire des réparations. Jusqu’à aujourd’hui, la direction de l’école n’a pas trouvé les moyens financiers pour construire un nouveau mûr. Car les parents d’élèves Mbororos refusent de payer les frais d’association des parents d’élèves « Ape ». L’école publique de Nassarao c’est tout juste un bloc de deux salles de classes, construit en matériaux provisoires.
Élèves assis au sol et absence d’enseignants
Au village Ndieki, nous rencontrons deux jeunes élèves Mbororos des classes de section d’initiation au langage « Sil » et de cours préparatoires, Ahmadou et Moussa. Eux aussi, ils travaillent au champ avec leurs familles tout au long de la journée. L’école publique de Ndieki n’a pas de « tables bancs ». Les seules chaises, ou tables bancs qui restaient ont été dérobés, puisque les salles de classes n’ont plus de portes et de fenêtrés. Moussa et ahmadou doivent s’asseoir à même le sol tout poussiéreux pour suivre les cours, le jour où l’un des deux instituteurs affectés dans cet établissement décide de venir dispenser les cours.
Dans les autres villages comme Djah, Djang, Djouke, la situation est la même. Avant l’arrivée massive des éleveurs Mbororos et Mambilas avec leurs familles, fuyant les conflits agropastoraux dans leurs zones d’habitation au Nigeria, les salles de classes étaient déjà insuffisantes pour les enfants de cet arrondissement de plus de 2700 km2, et plus de 100 000 habitants. Les autorités locales affirment que ces cinq dernières années, plus 5 000 Mbororos et Mambilas se sont installés dans l’arrondissement de Bankim, surtout dans les villages limitrophes du Nigeria.
« Nous sommes débordés »
« Quand ces familles arrivent, elles viennent avec les enfants, elles font des enfants chez nous, et il faut les prendre en charge, ces enfants n’attendent que l’éducation. Pourtant il n’y a pas suffisamment d’écoles pour les accueillir. Aujourd’hui nous sommes débordés. Je lance un appel de détresse : que toutes les personnes de bonnes volonté nous viennent en aide », interpelle le maire de la ville de Bankim, Angerbert Mveing.
« C’est une main tendue que je lance aux ongs. C’est plus de 1000 enfants qui aujourd’hui ne vont pas à l’école. Ces innocents n’attendent que l’éducation. Sur les 100 écoles recensées dans cet arrondissement, plus de 50 ont besoin des réparations », poursuit le maire.
Des efforts insuffisants
Dans le cadre de la décentralisation, la mairie de Bankim reçoit une subvention mensuelle de 2 millions de Fcfa du ministère de l’Education de base pour construire les salles de classes. Malheureusement, cette subvention n’est pas payée dans les délais, ce qui empêche la mairie de travailler de manière efficace. « Le ministère paye parfois trois fois seulement en une année. J’ai même écrit au ministère de l’Education de base pour leur demander de ne plus nous donner de l’argent, car ça ne nous aide pas vraiment. De nous offrir plutôt le matériel de construction, pour nous permettre de travailler. Mais le ministère ne m’a jamais répondu », déplore le maire.
Depuis plus de trois ans, il a juste aménagé quelques salles de classes dans les villages fortement peuplés par les Mbororos. « Au groupe deux de Sonkolon, une école créée il y a 15 ans, nous avons construit un bâtiment de deux salles de classes. Nous avons aussi fait des dons au lycée bilingue de Atta qui a permis la construction de deux salles de classes. Nous avons fait le même don dans d’autres établissements scolaires de Sonkolon, aussi à Nyamboya. Au cetic de Bankim nous avons construit un bâtiment de deux salles de classes. Mais c’est très insuffisant », regrette Angelbert Mveing.
L’association « servir » offre des tables bancs et manuels scolaires
Raphael Hamadjam est le président de l’association « Servir ». Depuis plus de dix ans, cette association qui rassemble toutes les élites de Bankim, offre des « tables bancs » et des manuels scolaires aux meilleurs élèves de l’arrondissement. Ce haut cadre de la douane camerounaise a été surpris, lorsqu’il a fait personnellement le tour des établissements scolaires. « Dans les villages comme Atta, Bandam et Lingam, de nombreuses écoles sont abandonnées dans la broussaille. Je crois vraiment que l’Etat nous a oublié », a-t-il indiqué. Pour lui, il revient à l’Etat de faire des projets sérieux, pour la construction des écoles, et l’Etat a le budget pour cela.
Silence du sous-préfet et de la délégation de l’éducation de base
Ondobo Nyassa, le sous-préfet de Bankim, affirme qu’il a écrit au ministre de l’administration territoriale Atanga Nji pour expliquer la situation des enfants non scolarisés des villages limitrophes au Nigeria ayant fui les conflits agropastoraux. Il dit attendre tout simplement la réponse de sa hiérarchie.
A la délégation d’arrondissement de l’éducation de base de Bankim, le délégué Mahamat Ahamat explique qu’il a recensé tous les besoins dans les écoles, et que sa hiérarchie est au courant. «Dans le programme national de développement, nous avons répertorié les besoins des écoles primaires et maternelles. Malheureusement le ministère ne fait aucune annonce pour le début des travaux de réfection ou de construction de nouvelles écoles, encore moins de l’équipement des salles de classes en « tables bancs ». Cela fait plus de 10 ans que nous vivons cette situation. Elle s’est aggravée avec l’arrivée massive des familles Mbororos », précise le délégué.
Un laxisme qui viole l’article 16 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui stipule que « L’enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous ».
Hugo Tatchuam(Jade)