Prison centrale de Ngaoundéré, trois bergers écroués , accusés de vol de bétail

Depuis le 19 mars 2022, une affaire défraye la chronique dans la région de l’Adamaoua. C’est celle des trois bergers mbororos qui sont incarcérés depuis plusieurs semaines à la prison centrale de Ngaoundéré. Leur bétail a été confisqué par la commune de Ngan-Ha, leurs femmes et leurs enfants abandonnés à la belle étoile.

« Sur instruction du Procureur de la République, un important cheptel composé des bovins, ovins, caprins et ânes, soit environ 600 bêtes ont été mises à la disponibilité de notre municipalité pour gardiennage, suivi alimentaire et sanitaire. Ces animaux seraient partis de l’arrondissement de Mbé où ils auraient séjourné pendant trois ans. Persécutés par les preneurs d’otages, ces bergers seraient en fuite pour la République Centrafricaine en détournant l’itinéraire qui leur avait été initialement donné par les autorités de Mbé à savoir Touboro », se dédouane Awalou Mohamadou, maire de la commune de Ngan-Ha, joint au téléphone.

Dénonciation

En effet, selon nos sources, tout serait parti du village Gada Ouver. « Les populations de ce village ont aperçu un important troupeau de bétail passer et ont saisi le commandant de brigade de Ngan-Ha. Ce dernier a rapidement fait une descente et sur les lieux et constaté que sur tous ces animaux seuls 200 étaient vaccinés et que l’itinéraire de leur déplacement avait changé. C’est ainsi que ces bergers ont été soupçonnés de vol. Le commandant de brigade a saisi le Procureur de la République qui a instruit que ces animaux soient mis à la disposition de la mairie pour gardiennage en attendant l’aboutissement de l’enquête », nous relate une élite de Ngan-Ha.

Du côté des victimes, on explique le changement de l’itinéraire ainsi. « C’est vrai qu’au départ, ils devaient passer par Touboro selon ce qui est écrit sur leur document de transit. Mais comme ils ont été plusieurs fois victimes des attaques des preneurs d’otages, chemin faisant ils ont changé de direction pour passer par le département du Mbéré, et c’est pour cela qu’ils se sont retrouvés à Ngan-Ha question de déjouer les éventuels preneurs d’otages qui tenteraient de les suivre », justifie un proche d’une victime. Toutefois, l’on nous renseigne que, dans cette affaire, les nommés Hammadou Bello 40 ans père de 12 enfants et marié à deux femmes et Alladji Garba 50 ans père de six enfants et marié à deux femmes sont poursuivis sans aucune plainte pour vol, et que, le dernier larron Malam Ali 25 ans père de deux enfants et marié à une femme sont poursuivis pour vol en coaction et autres aussi sans une plainte au départ.

Justice

Depuis le déclanchement de cette histoire, le Procureur de la République n’a pas daigné s’exprimer sur le sujet. Malgré les multiples tentatives des hommes de la presse, ses portes sont restées verrouillées aux journalistes. De toutes les manières, dans les rangs de l’association pour le développement social et culturel des Mbororos du Cameroun (Mboscuda), l’on s’interroge sur certains faits. « Je me demande si de façon arbitraire, on peut arrêter quelqu’un et le mettre en prison pour vol sans qu’une plainte ne soit déposée au préalable par la personne qui estime qu’on a volé chez lui ? Je me demande aussi pourquoi jusqu’à ce jour, le Procureur de la République n’a pas encore fait un communiqué invitant les éventuels éleveurs qui auraient perdu leurs animaux à aller les identifier ? Selon la loi, c’est celui qui accuse quelqu’un de vol qui doit prouver qu’il a volé ; c’est ne pas à lui de le prouver », argumente El Hadj Ousmanou Biri, président régional Mboscuda Adamaoua.

Dans son article 9, le pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule que, « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévue par la loi ». La charte africaine des droits de l’homme et des peuples est encore plus explicite en son article 6. « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminées par la loi ; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement », peut-on y lire.

Soutien

Pour le moment, les familles de ces trois bergers qui séjournent depuis plusieurs semaines à la prison centrale de Ngaoundéré bénéficient du soutien de Mboscuda sur tous les plans. La première action qui a été menée par cette association a été celle de bloquer la vente très vite orchestrée de ces animaux. « Une fois qu’on a arrêté ces bergers, dès le lendemain une commission municipale a été mise sur pied et le surlendemain on a directement émis un communiqué avisant la vente aux enchères sans toutefois attendre l’issue de la procédure pour voir si effectivement ces bœufs sont volés et procéder à la vente aux enchères », souligne le président régional Mboscuda de l’Adamaoua. Aussi, comme d’habitude, El Hadj Ousmanou Biri a conduit une forte délégation samedi 16 avril dernier pour apporter un soutien alimentaire aux femmes et enfants de ces bergers détenus.

Dans leurs paniers on peut noter entre autres, des sacs de riz, de l’huile, du sel, du savon etc… « Nous sommes allés dans la matinée du samedi 16 avril 2022 dans la localité de Awa où vivent ces familles à la belle étoile. Nous leur avons apporté quelques denrées alimentaires. Les épouses des deux bergers que nous avons trouvées sur place nous ont fait état de ce que, 11 de leurs vaches ont été emportées par la mairie, onze bœufs sont morts et un a été porté disparu. Comme la troisième épouse était absente, on n’a pas pu faire son bilan. Entre temps aussi, les épouses des deux bergers qu’on a trouvé sur place affirment que six autres vaches ont mis bas », affirme Ahmadou Roufaye, secrétaire général du bureau régional Mboscuda de l’Adamaoua.     

Par Francis Eboa (Jade)

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