Plusieurs sénateurs et députés demandent que le Cameroun respecte l’engagement, pris sur le plan international, de suspendre les lois pénales contre les journalistes, et de les remplacer par des « sanctions proportionnées ». Le code pénal actuel ne distingue pas le délit de presse et le délit de droit commun. Les parlementaires demandent une révision de l’article qui fait problème dans le code pénal.
Le député Joshua Osih président en exercice du social democratic front (Sdf), le député Cabral Libii président du parti camerounais pour la réconciliation nationale (Pcrn), et d’autres députés viennent de signer un mémorandum pour demander à l’Etat de respecter ses engagements pris à l’international pour décriminaliser les délits de presse.
L’Etat a ratifié de nombreux traités, comme la déclaration des principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique. Des conventions qui obligent les Etats parties à abandonner la poursuite pénale des journalistes.
« il y a un article dans le code pénal, qui ne distingue pas le délit de presse et le délit de droit commun. Il faut reformuler cette loi. Il faut aller vers les députés pour leur faire comprendre que c’est une obligation de le faire. Si cette loi est reformulée, on ne pourra plus condamner les journalistes au Cameroun. Les députés doivent faire passer une proposition de loi pour changer cette loi-là » affirme le député Joshua.
Les parlementaires engagés
Baroua Nyakeu, sénateur du rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) dans le département du Mayo Banyo dans la région de l’Adamaoua est formel. « Tant que le Cameroun va continuer de condamner les journalistes pour diffamation ou publication de fausse nouvelle, cella sera considéré comme une atteinte au droit à la liberté d’expression. Car le Cameroun a signé des accords internationaux qui l’oblige, à élaborer les lois internes qui empêchent la condamnation des journalistes pour des accusations de diffamation ».
Pour lui, il faut faire dans l’urgence une proposition de loi, afin de réviser la loi antiterroriste actuelle, qui sanctionne les délits de presse devant le tribunal militaire.
Djafarou Mohamadou, sénateur de l’Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès (Undp) de Meiganga dans l’Adamaoua, pense lui aussi qu’il faut réviser les lois internes sur la liberté d’expression. « Les sanctions du gouvernement contre le télévision Equinoxe nous permet de mieux comprendre l’enjeu de cette réforme souhaitée. L’Etat, sous le couvert du Conseil National de la Communication (Cnc) a suspendu récemment le journaliste Cedric Noufele, le président directeur général d’Equinoxe Tv Severin Tchounkeu, ainsi que l’émission « droit de réponse ». ce sont des sanctions qui vont contre les accords internationaux ratifiés », indique le sénateur.
Selon lui, la télévision a donné la parole aux enseignants en grève pour leurs permettre d’émettre leurs points de vue, faire des déclarations raisonnables, des observations, donner leurs avis sur le problème. « Les accords internationaux indiquent que les personnages publics doivent tolérer la critique, que nul ne peut être jugé coupable pour avoir fait des observations véridiques, donné son avis ou fait des déclarations qu’il était raisonnable de faire dans les circonstances données » rappelle le sénateur. Pour lui, au Cameroun, les lois relatives à la diffamation ne sont pas conformes aux conventions ratifiées. D’où l’urgence de faire une proposition de loi, pour demander la révision de ces lois.
Mohamadou Mahdi député rdpc du Mayo Banyo dans la région de l’Adamaoua se montre aussi très actif sur la question. « J’ai vu au journal télévisé qu’au Niger, on a dépénalisé les délits de presse. Dans plusieurs autres pays d’Afrique, les poursuites pénales ne sont plus engagées contre les journalistes. C’est une bonne initiative, nous devons aller aussi dans le même sens ».
« Je ne gagne rien en jetant un journaliste en prison. Dans le rdpc, parti majoritaire à l’assemblée nationale et au Senat, il faut mettre en avant le fait que la décriminalisation des délits de presse nous fait avoir une bonne image à l’international, pour fédérer tous les parlementaires derrière cette proposition de loi » affirme le député.
Récemment à Koutaba dans le département du Noun dans la région de l’Ouest, le sous-préfet a menacé d’engager des poursuites pénales contre des personnes qui avaient données leurs avis sur un sujet de litige foncier dans un reportage télé diffusé à la chaine privée DBSTV. Le député du social democratic Front (Sdf) Wilian s. avait ouvertement condamné cette attitude. Pour lui, la liberté d’expression ne doit pas être restreinte pour des motifs touchant à l’ordre public. « Les sous-préfets et gouverneurs évoquent toujours le motif d’ordre public pour prononcer des sanctions lorsque les choses ne les arrange pas. Ce sont des abus. Pourtant les lois internationales disent clairement que nul ne peut être jugé coupable pour avoir donné son avis ».
Un Monde à venir interpelle l’Etat
Philippe Nanga le coordonnateur de l’Ong « Un Monde à venir » vient de lancer un plaidoyer qu’il a fait signer par plusieurs députés. Il demande au gouvernement de modifier le code pénal pour dépénaliser les délits de presse, comme le demande les conventions internationales. Cette démarche a été présentée à Douala lors d’une conférence avec les acteurs de l’union européenne au début du mois de Mai.
Lois violées
Le principe 22 de la déclaration des principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique, au sujet des mesures pénales, rappel que les « Etats parties doivent abroger les lois pénales sur la diffamation et la calomnie en faveur d’autres sanctions proportionnées ».
L’alinéa 4 souligne que « l’imposition de peines privatives de liberté pour des infractions comme la diffamation et la calomnie sont des atteintes au droit à la liberté d’expression. La liberté d’expression n’est pas restreinte pour les motifs touchant à l’ordre public ou à la sécurité nationale ».
Cette année, le Cameroun a fait un bond en avant au classement de reporters sans frontières, passant du 135e rang au 118e. Un bond favorisé par la diminution du nombre de journalistes emprisonnés, cela suite à la pression des ONG, des associations, à l’instar des papiers écrits, de radio et de TV de Jade Cameroun qui ont poussé à la libération des journalistes détenus. Si à l’instar du Tchad et de la Centrafrique, le Cameroun décriminalisait la diffamation, notre pays serait parmi les 100 premiers du classement.
Hugo Tatchuam (Jade)