Les journalistes interdits d’accès au palais de justice

Atteinte à liberté d’expression. Plusieurs journalistes ont été empêchés de traverser les barricades installées par les forces de l’ordre pour accéder à la salle d’audience où comparaissaient des militants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun.

Serges Aimé Bikoi, est journaliste dans une radio privée de Yaoundé. Il a dû user de plusieurs stratagèmes ce 20 octobre 2020 pour franchir quatre barrières de sécurité avant d’entrer dans la salle d’audience de la Cour d’appel du Centre. « La première barrière était placée non loin de la Sonel centrale à plus de 500 mètres de la Cour d’Appel. La seconde se trouvait au palais de justice. Une autre barricade a été placée au musée national et une derrière non loin du Tribunal criminel Spécial. Il était impossible de franchir ces barrières. J’ai présenté la carte professionnelle de journaliste mais les policiers m’ont expliqué que les consignes ont été données pour empêcher les journalistes d’accéder à la salle d’audience », affirme Serges Aimé Bikoi. Le journaliste a dû négocier pour passer. Plusieurs autres journalistes des médias privés identifiés par leurs badges professionnels ont été repoussés par les forces de l’ordre.

Ce jeudi 20 octobre 2022, un dispositif spécial de sécurité est déployé aux alentours du palais de justice de Yaoundé. Un fort déploiement sécuritaire matérialisé par la présence de véhicules des forces de l’ordre et de plusieurs policiers et gendarmes, est visible. « On ne veut pas voir les journalistes dans la salle s’il vous plait. Il n’y a pas assez d’espace. Les consignes ont été données pour qu’aucun journaliste ne puisse entrer dans la salle d’audience. Nous vous invitons au respect strict desdites consignes », clame un policier.

Ces  mesures de restriction concernent aussi des centaines de militants du Mrc venus témoigner leur solidarité à leurs camarades du parti,  incarcérés depuis plus de deux ans. Ces militants ont été condamnés par le tribunal militaire  pour avoir manifesté en septembre 2020 pour exiger la fin de la crise sécuritaire dans le Nord-Ouest et Sud-Ouest du Cameroun.

La presse persécutée

 La présence de Maurice Kamto  justifie  ce fort déploiement sécuritaire à la Cour d’appel du Centre. Chaque sortie de cet opposant classé deuxième lors de la présidentielle de 2018 attire des milliers de personnes.  Le 16 septembre dernier à l’ouverture de ce procès en appel, le même dispositif a été mis en place. Mais  les journalistes n’ont pas été empêchés d’entrer dans la salle d’audience pour faire leur travail. Les avocats du Mrc dénoncent  ce déploiement sécuritaire qui, selon eux prouve que les militants du Mrc sont des prisonniers politiques. Ils condamnent  ce comportement arbitraire et contraire à la liberté d’expression, une manière d’empêcher les journalistes d’exercer leur profession.

« Le code pénal  n’interdit pas aux journalistes de participer à un procès. Ils sont libres d’entrer dans la salle d’audience, de recouper les informations. Les journalistes doivent juste éviter d’enregistrer l’audience ou de prendre des images dans la salle d’audience. L’attitude des forces de maintien de l’ordre va à l’encontre du droit à l’information », affirme Me Hyppolite Meli avocat du Mrc. Il dénonce la violation de l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui dispose : «  Toute personne a droit à l’information ». L’avocat pense que  si les journalistes ont le devoir d’informer les populations, l’Etat doit prendre les mesures nécessaires pour leur permettre d’avoir accès à l’information comme cela se passe dans tout pays démocratique.

Un responsable du commissariat central N°1 de la ville de Yaoundé, interrogé sur les mesures de sécurité prises lors de l’audience des militants du Mrc, affirme que ces mesures avaient pour but d’éviter que la Cour d’Appel ne soit complètement prise d’assaut par des centaines des personnes. Il précise que les journalistes désireux de couvrir cette audience devaient juste avoir l’autorisation des responsables de la Cour d’Appel. Ce que récuse un autre avocat qui estime que la Cour d’Appel étant un lieu public, les journalistes n’ont pas besoin d’une autorisation pour aller couvrir une audience.

Ce n’est pas la première fois que les journalistes sont interdits de suivre certains procès.  Ce fut le cas au tribunal militaire en 2019 pour la couverture du procès de Maurice Kamto et de plusieurs autres leaders de son parti. Le matériel des journalistes avait été confisqué avant d’être restitué plus tard. Le syndicat national des journalistes du Cameroun ne cesse de dénoncer ces pratiques contraires à la liberté d’expression et invite les autorités à prendre les mesures permettant aux journalistes d’avoir accès à l’information. Selon le Snjc ces différentes mesures prises pour empêcher les journalistes d’exercer leur travail justifient le mauvais classement du Cameroun par l’Ong Reporters sans frontières  comme l’un des pays dangereux pour l’exercice du journalisme.  En 2021, le Cameroun  a été classé   135ème  sur 180.

Prince Nguimbous (Jade)

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