Démissions, ralliements, coups d’éclat, etc., l’instabilité des partis ou groupements politiques avant, pendant et après l’élection présidentielle, devient monnaie courante dans le microcosme politique gabonais. Comment expliquer un tel phénomène en vogue depuis l’avènement du multipartisme en 1990 dans le pays ? Quelles causes peuvent expliquer le remue-ménage permanent à l’intérieur des organisations politiques gabonaises ?
Démissions, ralliements, coups d’éclat, etc., l’instabilité des partis ou groupements politiques avant, pendant et après l’élection présidentielle, devient monnaie courante dans le microcosme politique gabonais. Comment expliquer un tel phénomène en vogue depuis l’avènement du multipartisme en 1990 dans le pays ? Quelles causes peuvent expliquer le remue-ménage permanent à l’intérieur des organisations politiques gabonaises ?
Depuis le terme de la conférence nationale de 1990, avec le rétablissement du multipartisme, qui a vu un boom sans précédent des partis politiques, la scène politique gabonaise enregistre de plus en plus de partis ou groupements politiques, sans qu’aucun ne soit inébranlable dans sa structure. Qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, les appareils politiques résistent mal à la fièvre des périodes présidentielles. La tendance qui va en s’accélérant est telle que même le Parti démocratique gabonais (PDG), jusque-là relativement à l’abri du phénomène, est le plus durement éprouvé depuis l’avènement au pouvoir de ses nouveaux patrons en 2009, suite à la mort d’Omar Bongo Ondimba, qui aura géré le pays plus de 42 ans durant. En sept années seulement, le parti a été vidé de l’essentiel de ses piliers : l’ancien patron de la Commission de l’Union africaine, Jean Ping ; les anciens premiers ministres Jean Eyeghe Ndong, Jean François Ntoutoum Emane, Casimir Oye Mba, l’ancien président de l’Assemblée nationale Guy Nzouba Ndama, l’ancien secrétaire du PDG Jacques Adhaenot, la liste est si longue qu’il serait inutile de l’afficher intégralement. Tous des vieux routiers du parti au pouvoir, qui sont allés faire leurs classes dans l’opposition. Les partis de l’opposition ne sont pas en reste. De l’Union nationale (UN) à l’Union du peuple gabonais (UPG) en passant par le Front uni de l’opposition, les départs, les recompositions, les alliances parfois contre nature et éphémères sont légion. Et c’est donc l’idéologie politique qui peine à se faire une place dans ce militantisme occasionnel. La liste est si longue qu’il est impossible de l’afficher intégralement
« Un problème de dividendes politiques»
Politologue attaché à l’IRS (Institut de recherche scientifique), Wenceslas Mamboundou explique le phénomène par une absence de dividende politique, de bénéfice. Pour l’universitaire, un parti politique est comme une entreprise pour ceux qui y militent. En cas d’échecs répétés dans la conquête du pouvoir, il devient difficile pour tous ses militants de continuer à lui témoigner leur fidélité. Réaction similaire pour le Pr Fortuné Matsiegui Mboula, enseignant de sociologie à l’Université Omar Bongo, qui met en avant, la nature même de ces partis et des responsables politiques qui les animent. Car, soutient le sociologue, un parti politique est créé pour durer dans le temps, en allant à l’assaut du pouvoir. « A partir de cet instant, si les partis politiques ne sont pas organisés, structurés dans la durée, ceux qui viennent dans les partis politiques pour avoir le pouvoir, peuvent partir parce qu’ils n’ont pas eu gain de cause immédiatement ».
L’espace politique gabonais, poursuit le Pr Matsiegui, n’est pas structuré par la conviction et les valeurs qu’on prétend défendre à l’intérieur des appareils politiques, mais plutôt par «la politique du ventre», c’est-à-dire le besoin immédiat d’accumulation primaire de richesses. Et « tant que le paysage politique gabonais va concourir à la politique du ventre », conclut-il, « il n’y aura pas d’hommes politiques stables».
Tout semble donc guidé par l’intérêt, avec les migrations et l’instabilité sans cesse observées à l’intérieur des mouvements politiques. D’où la difficulté aujourd’hui de définir les pôles d’influence qui structurent réellement l’espace politique gabonais, avec des alliances de circonstance gauche-droite-centre, comme c’est parfois le cas dans la plupart des démocraties occidentales.
Emmanuela MAKEGHELE