Manque de préparation pour les uns, mauvais sort pour les autres, répercussions politiques pour certains… L’élimination dès le premier tour des Panthères du Gabon à la coupe d’Afrique des Nations de football n’est pas passée inaperçue dans le public gabonais. Elle a donné lieu à une avalanche de critiques et de prises de position, qui dépassent même le simple cadre du football. Et comme il fallait s’y attendre, les antagonismes nés de la dernière présidentielle se sont aussi invités dans la polémique, au point que l’événement est devenu un enjeu de la bataille politique entre les camps Ping et Bongo.
Manque de préparation pour les uns, mauvais sort pour les autres, répercussions politiques pour certains… L’élimination dès le premier tour des Panthères du Gabon à la coupe d’Afrique des Nations de football n’est pas passée inaperçue dans le public gabonais. Elle a donné lieu à une avalanche de critiques et de prises de position, qui dépassent même le simple cadre du football. Et comme il fallait s’y attendre, les antagonismes nés de la dernière présidentielle se sont aussi invités dans la polémique, au point que l’événement est devenu un enjeu de la bataille politique entre les camps Ping et Bongo.
Une élimination pas comme les autres, celle de l’équipe nationale du Gabon relance de plus bel la survivance de la crise postélectorale, qui agite le pays depuis le terme du scrutin présidentiel d’août dernier. Selon qu’on soit dans un camp ou dans l’autre, chacun y va de son explication, car pour de nombreux commentateurs, la défaite prématurée du pays organisateur serait imputable à la conjoncture politique en cours. Et plus encore aux autorités gouvernementales, qui ont tenu malgré le contexte économique difficile, à organiser la compétition à coût de plusieurs centaines de milliards de francs CFA, sans aucun retour direct sur investissements.
La faute aux opposants, selon la ministre
Invitée au lendemain de cette infortune des Panthères sur le plateau de Gabon 24, la chaîne thématique publique, la Ministre des sports, Nicole Asselé, a, elle, estimé que cette élimination était sans doute due à l’influence des ondes négatives de tous ceux qui appelaient au boycott de la CAN, et souhaitaient par la même occasion l’échec des Panthères. « Nous sommes avant tout des Africains. Les ondes négatives de ceux qui maudissaient leur équipe ont probablement influencé la prestation de notre équipe nationale. (…) Vous ne pouvez pas avoir chez le même peuple ceux qui soutiennent et ceux qui souhaitent l’élimination », dixit Madame Asselé.
Pour l’opposition, ce naufrage de l’équipe du Gabon est une grande victoire, dans la mesure où elle a contrecarré les plans d’Ali Bongo Ondimba, qui voulait se servir de la CAN 2017 pour, dit-elle, « divertir les populations sur la crise post-présidentielle ». La charge est venue d’un ancien puissant ministre de la Justice d’Ali Bongo, Séraphin Moundounga, qui a démissionné tambour battant en septembre dernier, au plus fort du contentieux électoral au bénéfice de Jean Ping. Pour cet ancien baron du sérail, aujourd’hui exilé en Europe, il est certain qu’Ali Bongo Ondimba a échoué en voulant détourner l’attention des Gabonais de la vérité des urnes par l’organisation de la coupe d’Afrique, qui ne relève pourtant que du simple spectacle et du divertissement. Le divertissement ayant échoué, Moundounga a appelé le parlement européen à prendre des sanctions ciblées contre le régime de son ancien mentor, afin de le contraindre à respecter la vérité des urnes.
Une équipe mal préparée
La disgrâce de l’équipe du Gabon ne suscite pas que les réactions des seuls acteurs politiques. Même dans le petit peuple, les positions ne manquent pas. Tout dépend du côté où on se trouve. Cyril, étudiant en lettres modernes, a 33 ans . Comme de nombreux autres Gabonais, il était lui aussi au stade pour, dit-il « soutenir l’équipe nationale ». Pour lui, « il ne faut pas mélanger la politique et le football parce qu’il s’agit de deux secteurs différents ». Mais même si Cyril est parti au stade pour supporter les Panthères, il ne s’est fait aucune illusion quant aux chances de réussite des félins gabonais : « Je savais dès le départ que cette équipe là n’irait pas loin, au regard de ce qu’elle nous a présenté jusqu’ici, mais je pensais néanmoins qu’au nom du patriotisme, tout le monde se serait rendu au stade pour soutenir et encourager les gars. Comme ça les querelles politiques, on les aurait reprises après la CAN, surtout pour ceux qui veulent maintenir la crise. Mais concernant l’élimination, je dirai plutôt que c’est dû au manque de préparation. L’entraîneur n’a pris l’équipe qu’à une semaine seulement de la compétition… Je pense franchement qu’on n’avait aucune chance d’aller plus loin dans cette compétition».
Le manque de préparation, c’est aussi ce qu’a dit le capitaine de l’équipe, Pierre Emérick Aubameyang, visiblement dépité : « On a eu des occasions, mais malheureusement il y a des jours où ça ne rentre pas. Le football c’est comme ça. Je pense qu’il nous aura manqué cette petite hargne en plus. On n’a pas eu vraiment le temps de se préparer pour cette CAN, car on devait commencer à s’entraîner le 3 janvier et finalement on a commencé plus tard ».
« La justice de Dieu »
Pour Esdras, 29 ans, brasseur, la défaite des Panthères n’est ni plus ni moins que « l’échec d’Ali Bongo lui-même, qui a préféré gaspillé l’argent de l’Etat pour organiser un spectacle qui n’intéresse même pas la vie des Gabonais. Il a voulu distraire les gens avec ses bêtises de tous les jours, mais il s’est bien trompé ». Ce jeune homme ne cache pas sa satisfaction devant l’élimination de l’équipe nationale, il s’agit là, selon lui « d’une manière pour Dieu de punir Ali Bongo pour s’être imposé à la tête de l’Etat au détriment de Jean Ping, le vrai vainqueur de l’élection présidentielle ». « Ces Panthères là ne pouvaient pas gagner parce que c’est la justice de Dieu. Ça prouve à suffisance que c’est lui (Ali Bongo) qui a perdu les élections présidentielles parce que la CAN vient encore de nous le montrer sur le terrain. Et je suis bien content parce que Dieu ne dort pas», affirme-t-il.
Les réactions comme celle d’Esdras ne sont pas rares. Il suffit pour cela de se rendre sur la toile pour constater l’ampleur des caricatures et des critiques qui se sont abattu sur les gouvernants au sujet de cette élimination précoce du Gabon. Des réactions qui illustrent bien la profondeur de la crise et des clivages qui déchirent le pays depuis le terme de la dernière présidentielle. Une présidentielle riche en rebondissements et en prolongations et qui est loin d’avoir livré tous ses secrets. Avec la radicalisation des discours de chaque camp, l’épilogue n’est certainement pas pour demain matin. L’échec des Panthères du Gabon, c’est aussi le prolongement d’une présidentielle calamiteuse.
Charles Nestor NKANY