Université de Buea: Deux étudiants en justice pour tentative de corruption

Deux étudiants de l’Université de Buea sont poursuivis devant les tribunaux pour avoir tenté de corrompre leur enseignant d’histoire. Une situation qui illustre la réalité de la corruption en milieu scolaire et universitaire au Cameroun.

Deux étudiants de l’Université de Buea sont poursuivis devant les tribunaux pour avoir tenté de corrompre leur enseignant d’histoire. Une situation qui illustre la réalité de la corruption en milieu scolaire et universitaire au Cameroun.

 

Le tribunal de première instance (Tpi) de Buéa a enregistré le 21 octobre dernier, une plainte inédite sous le numéro 5126. Son auteur, Martin Sango, enseignant à l’université de Buea, et 1er vice-président du Syndicat national des enseignants du supérieur (Synes), poursuit ainsi en justice deux de ses étudiants. Il leur reproche d’avoir tenté de le corrompre pour obtenir de meilleures notes pendant les examens de septembre aux épreuves d’histoire 401 et 414. «Je ne suis pas un adepte de la corruption. Les deux étudiants qui avaient remis de l’argent à un prétendu démarcheur pour me  corrompre se sont rétractés, une fois qu’ils ont compris que je ne saurais marcher comme ils entendaient. A défaut d’avoir été sanctionnés par les  instances académiques compétentes, je maintiendrai ma plainte afin qu’ils écopent les peines pénales liées à la  tentative de corruption contre ma personne », soutient le Dr Martin Sango.     

Les faits remontent au mois de septembre. Enock Akweno et Noel Nchoani, étudiants du niveau III au département d’histoire remettent 60 000 F Cfa chacun à Terense Elangwe, pour transmission au Dr Martin Sango, leur enseignant. L’argent devait alors servir à l’achat des notes d’Histoire 401 et 414. Informé, le Dr Sango va saisir et dénoncer les fraudeurs auprès du chef du département d’Histoire. Mais contre toute attente, les deux étudiants seront admis en salle de composition le 19 septembre, ce qui a  provoqué la colère de l’enseignant. Il va une fois de plus le dénoncer haut et fort, obligeant les deux mis en cause à prendre la fuite. L’argent de la corruption leur avait été remboursé par le démarcheur trois jours  auparavant.

 

Le jeu trouble de l’Université

Martin Sango compte sur l’aboutissement de sa plainte devant la justice pour laver son honneur qu’il estime avoir été terni. Une situation qui se justifie davantage par le fait qu’il avait d’abord saisi l’administration de l’université, sans que celle-ci daigne respecter  toutes les règles prévues dans la gestion de ce type de conflit. Proche du Dr Nalova Lyonga, recteur de cette université, le Pr Ernest Moluah, enseignant au département d’agriculture, pense que la lumière doit être faite sur cette affaire de corruption. « Il y a pleins d’intrigues ici à l’université de Buea. Les enseignants qui trichent ou qui se laissent corrompre par les étudiants doivent répondre de leur acte. Madame le vice-chancellor (Ndlr : recteur) tient au respect des règles d’intégrité et de probité morale », argue cet enseignant. « Même si c’est un enseignant qui est coupable de fraude, il doit être sanctionné.», ajoute-t-il.   

Le Dr Sango s’est également plaint au niveau du Synes. Le syndicat a ouvert une enquête à travers sa commission des affaires éthiques pour établir les responsabilités des uns et des autres. Le ministère de l’Enseignement supérieur tout comme la hiérarchie de cette université avaient aussi reçu des plaintes de l’enseignant. Mais l’enseignant dénonce un jeu trouble de l’université car les dispositions combinées des articles 55 et 56 du décret du 19 janvier 1993 portant création des universités requises pour statuer sur de tels cas n’ont pas été appliquées. Ces dispositions prescrivent entre autres l’ouverture d’une enquête et des sanctions exemplaires contre les fraudeurs.

Faux, justifie des enseignants proches du recteur de cette université, qui soutiennent qu’une commission  dirigée par le Pr Theresa Nkuo Akenji avait immédiatement  été mise en place par le conseil de l’université pour faire la lumière sur l’affaire. Mais au niveau du Synes, le Dr Eric Fokam, 2e vice-président de l’antenne de Buea, trouve que cette option est complaisante. Son camarade a été entendu par le conseil de l’université de Buea. Il travaille sur un rapport qui sera transmis au ministre de l’enseignement supérieur, question de l’édifier objectivement sur la question. «Il n’est pas normal que dans un système, la victime d’une manœuvre de corruption ourdie pour ternir sa réputation soit dénigrée par la principale responsable de l’institution. Nous tenons à ce que la lumière soit faite au sujet de cette affaire et que la réputation de notre collègue soit rétablie », plaide Eric Fokam. 

 

Respect des textes 

« Le phénomène d’achat des notes est monnaie courante dans nos universités. Et l’initiative de cet acte de corruption appartient régulièrement aux étudiants qui n’hésitent pas à proposer de l’argent aux enseignants souvent démotivés ou mal payés », soutient Me Che Fabien, avocat au barreau du Cameroun. A la lumière du décret du 19 janvier 1993 portant création et fonctionnement des universités d’Etat, soutient-il, « le fait qu’un étudiant cherche à remettre de l’argent à un enseignant pour avoir accès aux épreuves des examens est une tentative de fraude, même lorsque l’objet de sa sollicitation n’a pas abouti ». Au plan pénal, explique-t-il, toute personne qui se rend auteur ou complice de fraude ou tentative de fraude aux examens peut faire l’objet de poursuites judiciaires tout en encourant des sanctions académiques. 

Pour s’en dédouaner, les deux étudiants, aujourd’hui introuvables,  auraient déclaré à la commission d’enquête n’être jamais entrés en négociation directe avec le Dr Sango et de s’être rétractés après que l’enseignant a refusé l’argent proposé. Pour le Pr Ernest Moluah, « Nous sommes tenus par des exigences liées à la performance académique et au respect de l’image de notre institution. Le respect de l’éthique par tous les membres de la communauté universitaire doit être une priorité. Les étudiants jugés fragiles ne doivent pas être toujours épinglés comme des coupables. Il faut des enquêtes approfondies».

Etudiant à l’Université de Dschang, Eric Talé soutient que ce qui se passe à Buea est fréquent dans l’enseignement au Cameroun. Pour limiter ces pratiques, l’Ong  Zenü Network basée à Bafoussam a mis sur pied  depuis 2011 le Mécanisme de protection des dénonciateurs des actes de corruption en milieu scolaire dans la région de l’Ouest Cameroun (Meprodec). Le ver est dans le fruit. 

Guy Modeste Dzudie (JADE)

 

  Les articles sont produits avec l’aide financière de l’Union Européenne à travers le PASC. Le contenu de ces articles relève de la seule responsabilité de JADE Cameroun et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l’Union Européenne.

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