Centrafrique : Révolution démocratique chez les Baptistes

(Syfia Centrafrique) Finis les détournements de fonds. Depuis que le pouvoir a été transféré du pasteur aux fidèles, la plupart des Églises baptistes de Centrafrique gèrent convenablement leur patrimoine et mènent à bien des projets pour l’ensemble de la communauté. Une petite révolution !

Église baptiste Bataillon III à Bangui, capitale de Centrafrique. Entouré de quelques fidèles, le pasteur Vincent Belambase-Woyi, 50 ans, montre du doigt le bâtiment flambant neuf de l’église : « Regardez ! Cette nouvelle construction est l’œuvre du conseil d’administration. » Créé il y a 5 ans, ce dernier n’a eu aucun mal à persuader les fidèles de se cotiser. Ceux-ci étaient en effet assurés à l’avance de la bonne utilisation de leurs dons. « Je délègue mes pouvoirs au conseil d’administration qui rend compte de la gestion à l’assemblée générale des fidèles », explique le pasteur.


Pour mettre un terme aux détournements de fonds dont certains pasteurs se rendaient souvent coupables, les Églises protestantes baptistes de Centrafrique, qui regroupent presque la moitié des 2 millions de chrétiens du pays, ont révisé leurs statuts et règlements intérieurs en 2000. Depuis, le pouvoir est entre les mains des fidèles. La réforme s’applique aujourd’hui quasiment à toutes les communautés baptistes du pays. « Désormais, chacune est autonome. L’Assemblée générale, qui rassemble tous les membres, est l’organe suprême de décision. Elle a le pouvoir de prononcer des sanctions contre le pasteur« , souligne Michel Kouzobiani, président de l’Organisation des jeunes de l’Église Kina à Bangui, fier de brandir le tout nouveau règlement intérieur de l’Union fédérale des Églises baptistes (Ufeb).


 


Pyramide inversée


Chaque structure possède désormais son conseil d’administration ou son comité de gestion, autonome, qui fonctionne à côté du conseil que dirige le pasteur et qui veille à la bonne utilisation des fonds. Leurs membres sont élus par l’assemblée générale des fidèles. « Notre comité gère les biens de l’Église. C’est une sorte de garde-fou« , indique Sylvain Gressiti. Ce membre de Sica III à Bangui parle de « système démocratique » qui autorise chaque fidèle à critiquer le fonctionnement de son groupe.


Parmi les innovations introduites dans les nouveaux textes, figure la procédure du choix du leader religieux. Les candidats doivent désormais effectuer une période d’essai d’un mois, puis se plier aux résultats du vote lors d’une assemblée générale. « C’est une grande révolution. Hier, les pasteurs étaient imposés par l’Association nationale des Églises baptistes (Aneb, Ndlr), quand ils n’étaient pas simplement cooptés par quelques fidèles influents« , apprécie Josué Binoua, président du Conseil Inter ONG en Centrafrique (Ciongca).


Les pasteurs sont dorénavant confinés à un rôle purement spirituel. Pour Richard Houmegni, enseignant à la Faculté de théologie biblique, il s’agirait, en quelque sorte à « un retour à l’orthodoxie chrétienne, qui exige une nette séparation entre la fonction pastorale et la gestion matérielle et financière ».


Assis devant une pile de dossiers à son domicile situé en banlieue de Bangui, Claude Rama, président du comité de gestion de l’Église Ngou-ciment, déborde ainsi d’initiatives : « Je suis en train de monter un projet qui sera bientôt soumis à l’assemblée générale. Nous fonctionnons maintenant de cette manière. » Suivant le nouveau règlement intérieur, « le conseil de gestion est le seul organe qui représente l’Église auprès des institutions. Il mobilise les fonds, monte le budget et peut suspendre les activités d’un pasteur. » Une rigueur qui, selon Rama, « a permis à Ngou-Ciment d’éponger ses dettes, de payer régulièrement le salaire du pasteur et d’épargner pour la première fois une somme de 3 millions de Fcfa (plus de 4 500 Euros)« . D’autres Églises parviennent à ouvrir et à alimenter des comptes dans les banques de la place.


 


Une minorité de nostalgiques


Toutefois, ces évolutions n’arrangent pas tout le monde. Une minorité de pasteurs nostalgiques y voient un mécanisme concocté par des intellectuels pour les dépouiller de leurs prérogatives. « Les fidèles transposent au sein des Eglises une gestion trop mondaine, propre à l’administration publique et aux entreprises privées« , s’indigne Abel Mongaï. Pasteur et président de l’Aneb, il s’insurge contre la création des comités de gestion qui, selon lui, « vident le rôle des pasteurs de toute sa substance. »


Sur le mur qui se lézarde de l’église de Kina, on déchiffre les mots suivants, écrits au charbon de bois : « A bas le pasteur. Vive l’assemblée générale des fidèles ! » En décembre dernier, le pasteur en question, Thomas Touangaï, qui avait refusé de céder le pouvoir malgré une décision dans ce sens de l’assemblée générale, avait vu son logement de fonction incendié par quelques fanatiques. À la surprise générale, le chef de l’État François Bozize avait répliqué en envoyant des éléments de la garde présidentielle mettre le feu aux maisons des deux dignitaires de l’Église, accusés d’avoir commandité l’incendie de la maison de leur pasteur.


De rares dérapages qui ne semblent pas devoir ébranler la révolution en cours au sein de l’Église baptiste de Centrafrique.


Jules Yanganda


 


 

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