(Syfia Gabon) Les jeunes Gabonais se tournent en nombre vers les petits métiers longtemps boudés et exercés par les Ouest-africains. Car la production pétrolière en forte baisse ne permet plus au pays d’entretenir une fonction publique pléthorique et ruineuse.
Anciens étudiants en gestion, Philippe et Simon Biyoghe, sont depuis quatre ans vendeurs de brochettes et de frites de banane plantain. Installés à Libreville, la capitale gabonaise, ils ont aujourd’hui une salle bien aménagée, toujours remplie de clients. Ces jeunes Gabonais avaient commencé cette activité dans la rue pour financer leurs études, mais elle a tellement prospéré qu’ils ont quitté la fac pour en faire leur métier. « Nous avons utilisé nos connaissances en gestion pour pérenniser notre activité », précisent-ils. « Elle rapporte aujourd’hui plus que les meilleurs salaires de la fonction publique« , se réjouit Simon Biyoghe. « Cela nous a permis de construire un logement d’habitation d’un certain standing. C’est encourageant ! », complète son frère. Après quatre ans dans l’informel, ils viennent d’obtenir un agrément de commerce et comptent ouvrir d’autres restaurants dans plusieurs quartiers de Libreville.
Comme Philippe et Simon, les jeunes Gabonais sont de plus en plus présents dans les petits métiers. Écailleur de poisson, frigoriste, plombier, cordonnier, coiffeur, chauffeur de taxi, petit commerçant…. : plus aucun secteur n’échappe aux nationaux. Si certains de ces petits entrepreneurs n’ont pas pu terminer le cycle de l’enseignement secondaire, d’autres sont par contre diplômés de l’Université.
Secteur public pléthorique et dispendieux
Il y a moins de dix ans, les Gabonais refusaient d’exercer de tels métiers. Dans le passé, presque tous les jeunes, diplômés ou non, intégraient la fonction publique. Troisième plus grand producteur de pétrole d’Afrique noire (268 000 barils/jour en 2005), le Gabon a longtemps utilisé cette manne pour entretenir une fonction publique pléthorique et dispendieuse. On y compte presque 4 fonctionnaires pour 10 000 habitants, quatre fois plus qu’au Cameroun. Le salaire mensuel moyen de ces agents est presque le double de leurs collègues camerounais et six fois celui des Ghanéens !
Cependant, selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI), la production pétrolière gabonaise a diminué d’un tiers depuis 1997, car les gisements s’épuisent et les revenus pétroliers en forte baisse n’arrivent plus à financer cette trop importante masse salariale. Selon le FMI, le Gabon est « l’un des pays africains où la fonction publique est la plus coûteuse » et où « une gestion peu efficace des dépenses publiques a conduit à des accumulations répétées d’arriérés de paiement ». Pour cet organisme, « la maîtrise de la masse salariale est la pierre angulaire de la discipline budgétaire au Gabon ».
Autant de raisons qui ont contraint le gouvernement à freiner les recrutements. Mais le secteur privé, lui aussi, ne peut embaucher, car, relève la même source, « la prédominance du secteur public gabonais a entravé l’avènement d’un secteur privé dynamique« . En outre, le salaire minimum arrêté par l’État est très élevé. Il est de 44 000 Fcfa (67 Euros) par mois, soit le double de celui en vigueur au Cameroun.
Encourager les initiatives
Selon la Direction générale de la statistique de Libreville, près de 12 000 nouveaux demandeurs d’emploi arrivent ainsi chaque année sur le marché du travail. Quatre sur cinq d’entre eux ont moins de 36 ans. Conséquence, le taux de chômage atteint les 21 %. Sans emploi, les jeunes Gabonais se sont progressivement lancés dans les petits métiers jusque-là contrôlés presque exclusivement par les ressortissants ouest-africains. Parce qu’ils réussissent généralement en partant de rien, ces derniers sont la principale source d’inspiration des jeunes entrepreneurs nationaux. Ceux-ci sont encouragés par des mesures en faveur de l’initiative privée prises par l’Etat. Ces incitations concernent notamment le coût de l’agrément individuel d’exercice d’un petit métier, ramené à moins de 40 000 Fcfa (61 Euros) pour les Gabonais contre 300 000 Fcfa (457 Euros) pour les étrangers. Les nationaux sont également exonérés d’impôts et taxes durant les trois années qui suivent la création de l’entreprise.
Des mesures qui portent leurs fruits : une étude de l’Agence de promotion des investissements privés (APIP) montre que sur plus de 3 000 petites entreprises créées en 2005, presque la moitié appartient aux Gabonais. Un record comparé aux quelque 100 entreprises créées par les nationaux entre 1994 et 2001.
Antoine Lawson et Étienne Tassé