(Syfia Nigeria) Le virus de la grippe aviaire se répand rapidement au Nigeria où il touche déjà plusieurs États. Le gouvernement se mobilise mais une partie de la population ne croit pas à cette épidémie et refuse de prendre les mesures de précautions.
« Lavez et cuisinez bien les poulets avant de les manger. », »Évitez les contacts avec les poulets. », etc. À intervalles réguliers, les messages passent sur les télévisions et les radios du Nigeria, premier pays africain à être atteint par le virus de la grippe aviaire de type H5N1. Depuis sa découverte, le mercredi 8 février à Kaduna, au nord du pays, la sensibilisation bat son plein dans les trente-six États de cette fédération peuplée de 136 millions d’habitants. Le gouvernement a déclaré la mise en quarantaine de toutes les fermes touchées par l’épizootie mais les services publics de santé signalent déjà la présence du virus dans des fermes et marchés de plusieurs autres États, dont Kano, Plateau et Jigawa, au nord du pays. « Il sera difficile de contenir la progression de la grippe aviaire au Nigeria parce que 70 % des volailles sont élevées dans des basses-cours et sont en divagation », reconnaît le ministre de l’Agriculture, Adamou Bello.
« Un complot de l’Occident »
Ce n’est pas le seul obstacle. Dans plusieurs États du Nord à majorité musulmane, les populations commencent à s’opposer aux abattages de volailles. Ignorant l’origine du virus et sa dangerosité, elles y voient « un nouveau complot de l’Occident contre l’aviculture africaine ». Ces deux dernières années, elles avaient brandi ce même argument pour s’opposer aux vaccinations contre la poliomyélite, pratiques médicales « occidentales ». « Ce sont des histoires, tout ce que les gens racontent sur les poulets ! rigole Alhaja Sikiratu, commerçante dans un quartier de Lagos, la métropole économique. Quand j’étais petite, je mangeais des poulets qui avaient le choléra et rien ne m »est arrivé ! »
Les informations sur la propagation du virus se font de plus en plus alarmantes. Aucune autorité publique n’a cependant encore signalé sa présence à Lagos. « J’ai découvert que trois de mes poulets sont morts sans cause évidente », s’inquiète Iya Ibeji, vendeuse de volailles dans cette ville. À côté d’elle, deux autres vendeurs déclarent « avoir aussi constaté depuis quelques jours certains décès mystérieux de leurs volailles ».
L’abattage systématique, au cours des premiers jours de l’épizootie, de plus de 200 000 poulets infectés a convaincu d’autres Nigérians de la réalité de cette maladie. À Kaduna, des échantillons de sang de deux enfants soupçonnés d’avoir contracté la forme humaine de la grippe aviaire sont en cours d’analyse. Pour le photographe Raufu Ayodele, pas de doute : cette maladie existe bel et bien et peut se transmettre de l’animal à l’homme. « J’ai interdit tout ce qui est de la volaille dans ma maison, affirme-t-il. Je ne vais pas acheter la mort avec mon argent ! » Détectée pour la première fois en 2003 en Azerbaïdjan, la maladie a déjà causé, en Asie et en Europe centrale, la mort d’environ 90 personnes et de plusieurs dizaines de millions de volailles.
Les États frontaliers en alerte
Selon l’Organisation internationale de la santé animale, ce ne sont pas les échanges commerciaux, mais plutôt des oiseaux migrateurs infectés qui ont transporté ce virus jusqu’au Nigeria. Loin de baisser les bras face aux protestations d’une frange de sa population, l’État fédéral nigérian veut l’encourager à signaler rapidement tout nouveau foyer de grippe aviaire. Il se prépare à débloquer 4 milliards de naira (23 millions d’euros) pour dédommager les éleveurs, à raison de 250 naira (environ 1,7 €) par poulet abattu. Les États-Unis ont promis une aide de 25 millions de dollars et 2 000 équipements de protection tandis que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dépêchent des experts sur le terrain.
Les États voisins du Nigeria sonnent aussi l’alerte. Le Niger, le Bénin, le Togo et le Cameroun ont interdit l’importation de ce pays de volailles et de produits qui en sont issus. Un coup dur pour l’aviculture nigériane dont la production a grimpé de 68 % entre 2003 et 2005. « Depuis que cette histoire de grippe aviaire a commencé, notre chiffre d’affaires est en baisse », déplore déjà Adébayo, gérant du restaurant Taste fried chicken, à Lagos. « Avant, on réalisait de bonnes affaires à la Saint-Valentin, renchérit Kingsley, un autre gérant. Regardez maintenant mon restaurant : il est vide !’ »
Daouda Aliyou