Cameroun : La parité par le bas

(Jade Cameroun/Syfia) Des femmes qui sortent, boivent, couchent ou découchent. Certaines épouses, dans les villes camerounaises, profitent de la Journée internationale des femmes pour prendre leur revanche sur leurs maris. La parité par le bas, en quelque sorte.

Cette année, le « pagne événementiel  » se décline en vert et rose fuchsia. Depuis la mi-janvier, les pagnes de la Journée des femmes 2006 se vendent comme des petits pains. « Malgré les difficultés financières que je traverse aujourd’hui, j’ai déjà pris soin d’acheter le pagne du 8 mars de mon épouse. Je n’aimerais pas connaître le même sort que l’an dernier », confie Gérard Ngoufack. L’an dernier, ce vendeur à la sauvette au marché New Deido à Douala ne l’avait pas fait. Mal lui en a pris : par mesure de rétorsion, son épouse ne lui a pas adressé la parole pendant près de deux semaines et a refusé de partager son lit.


Mais certains maris qui, eux, avaient acheté le fameux pagne n’ont pas été épargnés pour autant. Alice Njamen, une jeune dame, raconte que la fête a failli briser le couple de son beau-frère qui avait permis à son épouse d’aller au défilé de la Journée des femmes. Partie de bonne heure, celle-ci ne rejoignit le domicile familial que le lendemain vers midi, abandonnant sa fille de deux ans aux bons soins de son mari. Ledit défilé est organisé au Cameroun par le ministère de la Promotion de la femme et de la famille dans toutes les circonscriptions administratives du pays. Y participent toutes les femmes volontaires. La journée du 8 mars est fériée pour les salariées et payée.


 


Débordements


Au Cameroun, où les tâches domestiques sont massivement assurées par les femmes, certaines décident à cette occasion d’inverser les rôles. « Ce jour-là, on a le pouvoir et ce sont nos époux qui doivent rester à la maison, s’occuper des enfants, faire la cuisine pendant que nous faisons la fête », assène Assam Céline. Elle n’est pas la seule à penser que c’est la raison d’être de cette journée dont la célébration a pris de l’ampleur depuis cinq ans avec le lancement du pagne événementiel. Tôt le matin, ces rebelles quittent leur domicile pour participer au défilé. Puis, elles assiègent les bars, les discothèques et autres lieux de plaisir pour ne rentrer chez elles que très tard, voire le lendemain.


A chaque édition, les médias se font généreusement l’écho des drames de la fête : jeunes enfants abandonnés victimes d’accidents parfois mortels, foyers brisés, violences conjugales. « L’an dernier, nos différents reporters déployés sur le terrain ont rapporté des cas de femmes ivres et endormies dans des caniveaux, ou victimes d’accidents suite aux excès de toutes sortes ou molestées par leurs époux pour insubordination ou retour tardif au domicile… », rappelle Albert Ledoux Yondjeu, rédacteur en chef de Radio équinoxe, une radio privée de Douala.


L’étalage de ces débordements conduit à présent certains hommes à militer pour la suppression pure et simple de cette journée. « Quand je pense aux gaffes que commettent les femmes ce jour, je ne peux que souhaiter que cette journée soit interdite et qu’on n’en parle plus jamais », plaide Papa Adamou, un quinquagénaire. Conscients des dégâts, le ministère de la Promotion de la femme et de la famille a tenté cette année de limiter le nombre de participantes au défilé. « Seules les associations régulièrement enregistrées à la préfecture prendront part au défilé, ce qui pourrait limiter les dégâts collatéraux qu’on connaît habituellement, car ceux-ci sont l’œuvre des femmes de quartier qui n’ont pas l’habitude de sortir « , révèle sous anonymat une femme cadre de la délégation régionale pour le Littoral de ce ministère. Une mesure difficile à appliquer car nulle n’a besoin de permission pour rejoindre ses sœurs dans les rangs…


 


La journée des bonnes affaires


Mais le 8 mars fait aussi des heureux. Les préparatifs redonnent le sourire aux couturières qui, débordées par les commandes, font monter les enchères voire doublent les prix. La Cicam (Cotonnière industrielle du Cameroun), producteur exclusif du pagne de l’évènement réalise en l’espace de deux mois 15 à 20 % de son chiffre d’affaires de l’année. Pour cette édition, elle a mis sur le marché environ 5 000 balles de 100 pièces de tissu de 5,50 m chacune.


Le Jour J, c’est au tour des tenanciers de débits de boissons, snack-bars et discothèques de se frotter les mains. Leur recette journalière double ou triple à cette joyeuse occasion. Les hôtels ne sont pas en reste. « Ce jour, nous recevons beaucoup de femmes habillées en pagne évènementiel et en bonne compagnie qui sollicitent des chambres dans notre établissement aussi bien pour la sieste que pour toute la nuit, révèle, sourire aux lèvres, la gérante du Snack-bar Hébergement Parrain city. Nous osons croire que les hommes qui les accompagnent dans les chambres sont bel et bien leurs époux. »


La Journée internationale des femmes, instituée en 1977 par les Nations unies, est célébrée au Cameroun depuis 1986. Rappelons que le but de cette journée spéciale est de montrer les progrès accomplis en vue d’assurer l’égalité pour les femmes et d’évaluer les difficultés auxquelles elles sont encore confrontées. Assez loin de l’interprétation très libre que certaines femmes lui donnent.


 


Charles Nforgang

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