Près de 30 000 délégués, représentant 260 associations et Ong des cinq continents se retrouveront à Bamako, au Mali, du 19 au 23 janvier, pour le Forum social mondial. Au menu : la mondialisation, la dette, la fin des subventions agricoles, l’intégration régionale… L’Afrique, berceau de l’humanité, accouchera-t-elle d’un monde nouveau ?
La société civile africaine se prépare fiévreusement pour le Forum social mondial de Bamako, au Mali, qui débute le jeudi 19 janvier. Dans ses bureaux de Douala, au Cameroun, Gisèle Yitamben met la dernière main à son exposé. La présidente de l’Association pour le soutien et l’appui de la femme entrepreneur parlera du sort des femmes et des enfants dans son pays, de la formation et du petit crédit qui permet de rebondir. « Nous allons à Bamako afin de nous présenter, d’échanger avec d’autres organisations et de nouer d’éventuels partenariats« , explique-t-elle. Africa Prostitution, une autre Ong, dénoncera, elle, le mirage européen et ses dangers pour les jeunes migrants : prostitution, drogue et violence.
Au Burkina, c’est l’entrée en vigueur en 2008 des accords de partenariat économiques entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) qui préoccupe les Ong. Elles souhaitent que les États les renégocient. « Nos pays ne sont pas préparés à y entrer. De plus, nous craignons que nos industries ne deviennent les coursiers des grosses multinationales », s’inquiète Jean-Marie Gyengané, le coordonnateur du Secrétariat permanent des Ong (Spong), un collectif de 78 Ong burkinabé. La suppression des subventions sur le coton et tous les autres produits agricoles, l’intégration régionale « dont on parle tous les jours et qui est contredite par la réalité des faits », le commerce équitable, la bonne gouvernance… feront l’objet de discussions et surtout de propositions. Le Spong défendra ses positions avec des collectifs d’Ong du Niger, du Sénégal, du Mali et de Guinée auxquels se joindra Coordination Sud, une fédération d’Ong françaises.
Un arbre à palabres mondial
Ses initiateurs définissent le Forum social mondial comme « un espace de concertation et de dialogue, d’échanges d’informations et d’expériences… mais aussi et surtout de proposition d’alternatives crédibles et viables ». Ils restent convaincus qu' »un autre monde est possible ». Créé en 2001, le Forum Social s’est tenu quatre fois à Porto Alegre, au Brésil, et une fois à Mumbai, en Inde, en 2004.
Les altermondialistes africains qualifient de victoire la tenue pour la première fois en Afrique du Forum social mondial. « Les pays africains sont ceux qui ont le plus de problèmes au monde. C’est pour eux que se bat la société civile mondiale. En venant au Mali, les gens toucheront du doigt nos réalités et verront le combat que mènent nos populations à la base, nos Ong, nos gouvernants pour sortir de la pauvreté », lance Gyengané.
Les participants ne se contenteront pas de réfléchir en vase clos. Ils iront à la rencontre des Maliens dans leur vie de tous les jours. Africable, une télévision satellitaire, retransmettra les débats. La culture occupera une place de choix avec des artistes et des écrivains de renom comme Angélique Kidjo, Wazis Diop, Tiken Jah Facoly et Boubacar Boris Diop, Ken Bougoul.
Changer la face du monde
Pour autant, Bamako changera-t-il la face du monde ? Beaucoup de gens en doutent, pas les activistes. Gyengané rappelle qu’on doit l’effacement partiel de la dette des pays pauvres au lobbying des Ong. Pour les organisations de la société civile, Bamako n’est qu’une étape. Les Ong et associations comptent poursuivre leur combat de retour dans leurs pays en mobilisant leurs militants et les autorités. Ainsi, les Ong sénégalaises (voir site http://fss.m2014.net) organiseront, en mars 2006, à Kaolack, un Forum social local pour restituer à la base ce qui s’est passé au Mali. Le Spong rendra compte aux autorités burkinabé. « Il y a des axes de travail dont la responsabilité relève du gouvernement et pourquoi pas du Parlement ? Donc, il faut travailler avec ces acteurs-là pour atteindre notre but commun : le développement et le bien-être des populations », estime Gyengané.
Cette année, le FSM est décentralisé en trois pays : Mali, Venezuela et Pakistan. En 2007, ce sera au tour de Nairobi, au Kenya, d’accueillir le prochain Forum social mondial unifié, occasion de faire le bilan de toutes ces initiatives pour un autre monde.
Souleymane Ouattara, Madieng Seck et Denis Nkwebo