Prêtre et journaliste d’investigation, le père Ola Bébé meurt dans des conditions troubles

L’homme d’église, qui avait fini par adopter l’univers médiatique, quitte la scène dans des conditions non encore élucidées au moment où la presse fait le deuil de Martinez Zogo.

On n’entendra plus la voix du prêtre de l’église catholique orthodoxe, le père Jean Jacques Ola Bébé qui, après les années 2010, va s’inscrire comme un investigateur connu des médias au Cameroun et qui a parfois ravi la vedette aux journalistes au carnet d’adresses avéré et opérant dans le même domaine. C’est en effet le 02 février 2023 que la terrible nouvelle déchire la toile par le biais du lanceur d’alerte, Paul Chouta. Bien connu des auditeurs et téléspectateurs, très peu ignorent la trajectoire de celui qui, au fil des années, a fini par se forger un nom dans le milieu journalistique. Voici son portrait.

Qui est père Jean Jacques Ola Bébé?

Le père Jean Jacques Ola Bébé est un prêtre catholique orthodoxe de formation qui a adopté les médias en seconde noce. Il débute aux côtés de Dominique Tita, actuellement en service à Voice Radio. C’est son mentor. Il l’accompagne régulièrement à la Radio de l’époque, Sky Radio. Nous sommes au début des années 2010. Par la force des choses, l’homme de Dieu commence à prendre goût pour la Radio.

L’aventure à Sky Radio sera de courte durée. Les deux hommes prennent la direction de la célèbre radio, Amplitude Fm. Nous sommes en 2013.  C’est une opportunité qui se présente pour le prêtre : le média, et particulièrement le concepteur de l’émission “La voix des sans voix”, a besoin d’un homme de terrain. Dominique Tita, qui en est l’initiateur, sollicite ses services avec le concours du célèbre Billy Show international (nom professionnel), confesse le journaliste. L’homme, qui n’a pas fait ses classes dans le journalisme, accepte de rejoindre l’équipe de M. Tita. Le père Ola Bébé se voit ainsi confier la tâche de chroniqueur.

Malheureusement, un désaccord avec le chef de chaîne de l’époque, Francis Libéral, amène Dominique Tita à quitter la radio. Son collaborateur, quant à lui, décide de rester, dixit Dominique Tita qui rejoint Royal Fm toujours avec le même concept et le même nom pour l’émission. Le père Jean Jacques Ola Bébé sur Amplitude continue d’animer l’émission “La voix des sans voix”. Le programme radio sera malheureusement et définitivement suspendu par le conseil national de la communication (Cnc) pour dérives en 2013. Trois hommes de radio dont le prêtre écopent de sanctions. C’est alors qu’il rejoint Dominique Tita, son ami et frère par alliance (au sens africain du terme) à Royal Fm. Nous sommes ici vers la période 2016. Les deux hommes vont devoir se séparer à nouveau, cette fois à la suite d’un malentendu dans le cadre de leur collaboration. C’est alors que Dominique Tita reste à Royal fm tandis que le père Ola Bébé “écume” désormais les médias (radios et televisions) avec en poche de nombreuses affaires à scandale.

Homme de dossiers

L’une des caractéristiques du père Jean Jacques Ola Bébé est qu’il était “courageux”, reconnaissent Dominique Tita et un pasteur qui a bien connu le défunt investigateur. D’ailleurs, “il était souvent pressé de se mettre au boulot”, soutiennent les deux hommes. En plus de cela, le prêtre était “efficace”, indique un de ses anciens amis à Sky Radio.

Parmi les affaires sur lesquelles a travaillé le père Jean Jacques Ola Bébé, figurent en bonne place celles impliquant de hautes personnalités, surtout dans l’administration publique : ministres, Directeurs Généraux, collaborateurs de ministres, responsables des structures privées, etc.

En 2022, l’investigateur est arrivé à pousser l’église catholique romaine, qui voulaient faire main basse sur la paroisse Sainte claire de Lada, un village de la région du Centre, à remettre les clés de la paroisse antérieurement dirigée par le prêtre de l’église catholique orthodoxe, père Bouli Ndongo, de sa famille religieuse et qui a finalement eu gain de cause.

Toujours dans le registre des investigations en 2022, l’homme connu des médias a traité l’affaire des lignes 94 et 65 du ministère des Finances qui défraient aujourd’hui la chronique, et qui auraient un lien avec la disparition de Martinez Zogo, l’animateur de l’émission “Embouteillage” et chef de chaîne d’Amplitude fm retrouvé mort le 22 janvier dans des conditions troubles (il était porté disparu le 17 janvier), et dans laquelle l’homme d’affaires Jean Pierre Amougou Belinga est en difficulté.

Mort tragique

Père Jean Jacques Ola Bébé meurt alors qu’il venait d’effectuer un passage à Mo Radio. Le 31 janvier 2023. Il affirmait la nécessité d’ouvrirplusieurs pistes dans l’affaire du meurtre odieux du journaliste car dans le dossier de la disparition de Martinez Zogo, toutes les pistes allaient uniquement dans le sens de faire tomber Amougou Belinga plusieurs fois indexé par le chef de chaîne d’Amplitude fm. Il faut toutefois préciser que, au cours de cette même émission radio diffusée également sur Facebook, le prêtre et investigateur a remis en cause la fiabilité de la video-surveillance qui montre la filature de Martinez Zogo. Il est allé jusqu’à soulever des hypothèses qui mettraient en cause les personnes qui “travaillaient” avec l’animateur radio. Il a par la suite dit “craindre pour sa vie” ; qu’il ne voudrait pas “monter dans une prado noire”, terme consacré pour la circonstance ; qu’il “veut voir ses enfants grandir”, etc. Le sort en a voulu autrement, le père Ola Bébé a été retrouvé mort peu après, le 02 février dernier.

Au moment de son décès, la victime venait de subir une opération chirurgicale qui explique la présence de la bande blanche autour de l’abdomen que l’on peut voir sur la photo de la dépouille du prêtre, renseigne un proche de la famille. “A peine sorti de l’opération, il s’est remis au travail”, affirme la même source

Le père Jean Jacques Ola Bébé était père de famille.

Questionnement autour du décès du père Jean Jacques Ola Bébé

Lorsque la nouvelle de la mort du prêtre et investigateur est tombée, on a appris que le corps a été retrouvé d’abord au quartier Emombo ensuite à Mimboman, deux quartiers de la ville de Yaoundé. Au terme de l’échange avec Dominique Tita, on apprend que c’est plutôt au lieu dit Nkolo 4 par Nkoabang à Yaoundé, que la victime a été retrouvée sans vie. On apprend également que le corps a été transporté à la morgue de l’hôpital centrale par des gendarmes. C’est par la suite que la compagne du prêtre sera informée. Rien ne dit pour le moment qu’une enquête a été ouverte.

Les premières données collectées font état de ce que le père Jean Jacques Ola Bébé craignait depuis longtemps pour sa vie.

Crime dénoncé

Sa disparition n’est pas passée inaperçue. « Ola Bébé et Martinez Zogo étaient tous deux des voix franches contre la corruption, utilisant leurs tribunes à la radio pour dénoncer des cas de détournement présumé de fonds publics. Ces dernières semaines, Ola Bebe a été le premier à demander que justice soit faite et que les coupables répondent de l’assassinat de Martinez Zogo, son proche associé », a précisé le porte-parole du Bureau des droits de l’homme de l’ONU à Nairobi, Seif Magango, dans une déclaration publiée le 07 février 2023 sur leur site internet. Aussi, le bureau des droits de l’homme de l’Onu demande aux autorités camerounaises  « de veiller à ce que le meurtre d’Ola Bebe fasse également l’objet d’une enquête indépendante, efficace et impartiale et que les responsables de ces meurtres, à tous les niveaux, soient tenus pour responsables ».

Au Cameroun, la presse, les organisations de la société, les acteurs politiques ont tôt fait de dénoncer le climat délétère qui est né avec ces morts non élucidées pour le moment.

Droit en difficulté

Ce décès rappelle d’ores et déjà les engagements que l’Etat a pris en matière de protection des droits de l’homme du fait qu’il a signé et ratifié des conventions en la matière. La Constitution, dans son préambule, le mentionne explicitement : “La liberté et la sécurité sont garanties à chaque individu dans le respect des droits d’autrui et de l’intérêt supérieur de l’Etat”.

Membre de l’Union africaine, le pays de Paul BIYA est en outre tenu par la résolution sur la sécurité des journalistes et des professionnels des médias en Afrique CADHP/Rés.468 (LXVII) 202202. En effet, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission africaine), réunie en sa 67ème Session ordinaire, tenue virtuellement du 13 novembre au 03 décembre 2020 souligne justement que “la liberté d’expression et l’accès à l’information sont des droits fondamentaux de l’homme garantis par l’article 9 de la Charte africaine, et par d’autres traités régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’homme”. Elle, le Cameroun y compris, travaille ainsi à “garantir la sécurité des journalistes et autres professionnels des médias, et créer un environnement propice à l’exercice de leur profession”.

En attendant que toute la lumière soit faite, c’est l’univers médiatique qui est en pleurs au Cameroun. Encore que plusieurs hommes de la presse ont perdu la vie bien avant ces évènements macabres et que la lumière n’a  toujours pas été faite  dans les affaires Wazizi et autres.

Hervé Ndombong (JADE)

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :