De nombreux groupes armés rebelles se cachent encore dans les montagnes et villages enclavés limitrophes au Nord-Ouest occupés par des déplacés anglophones. Ce qui rend difficile l’accès aux équipes d’intervention rapide de lutte contre la Covid 19. Des décès et cas de contamination ont été détectés.
Le village Maloungoure dans le groupement Magba Tikar situé dans l’arrondissement de Magba dans la région de l’Ouest, département du Noun, garde encore les séquelles de nombreuses attaques des bandes armées séparatistes parties du Nord-Ouest à pied pour venir mener des tueries et enlèvements.
En Mars 2020, cinq personnes kidnappées par les terroristes à Biame, dans le département du Bui, avaient été libérées dans cette zone par les forces de défense de sécurité . Leurs ravisseurs avaient menacé de les exécuter si une rançon n’était pas payée.
Le sous-préfet de Magba, Jean Jacques Nsang Ekonde, a fait le constat de l’insécurité qui sévit dans les coins reculés de son arrondissement lors de sa tournée de prise de contact et de sensibilisation sur le coronavirus.
On rappelle que plusieurs déplacés internes ont fui les combats dans le Nord-ouest, notamment la zone de Nkambe, traversé à pied les 104 km qui les relient à Magba, et trouvé refuge dans les petits villages de l’arrondissement.
En parcourant les différents villages, pour assurer sa sécurité, le sous-préfet et sa suite ont été contraints de porter des gilets pare-balles, des casques militaires, tout cela accompagné d’un dispositif militaire impressionnant.
Aux déplacés anglophones, il était question de leur parler de la nouvelle vague de montée du coronavirus et donner les instructions du gouvernement pour lutter contre la maladie. A savoir, éviter des regroupements de plus de 50 personnes, respecter les mesures barrières, se laver régulièrement les mains…
Mais il sera difficile de faire respecter ces mesures barrières dans la mesure où les familles se sont entassées par dizaines dans les maisons d’accueil, les maisons d’habitation sont rares et les villages sans eau potable. Chacun essaie de survivre comme il peut.
Les déplacés vivent dans des villages dangereux.
« De nouveaux combattants séparatistes anglophones ont été détectés la semaine dernière dans les montagnes. Ils sont au nombre de 20 lourdement armés. Nous avons besoin de plus d’effectifs pour aller les déloger», explique le chef du détachement militaire installé dans le village Forrogain situé dans l’arrondissement de Magba.
Il y a de cela quelques mois, Forrogain était le théâtre d’affrontements qui avaient entraîné de nombreux décès au sein de la population. Plusieurs habitants du village avaient été surpris et décapités dans leurs champs. Six autres personnes avaient été tuées à l’entrée de la chefferie lors d’une autre attaque des combattants séparatistes qui tentaient d’enlever le chef du village.
« Le poste de détachement installé ici au village Forrogain compte seulement six hommes. On a deux militaires, deux gendarmes et deux policiers. Notre dispositif est insuffisant pour mener des attaques contre les groupes armés séparatistes qui sont bien plus nombreux. Lorsque les habitants du village nous annoncent la présence de combattants anglophones sur notre territoire comme c’est le cas en ce moment, nous sommes obligés de demander des renforts. Cela peut souvent prendre un peu plus de temps, ce qui ne nous rend pas efficaces », déplore l’un des soldats du détachement.
Les trois villages Koula, Forrongain et Maloungoure ont tous subi des attaques des combattants anglophones au début de l’année, avec de nombreuses pertes en vies humaines. Cette situation a contraint de nombreuses familles à fuir les représailles pour aller trouver refuge dans d’autres villages. Entre temps, les déplacés anglophones partis de leurs villages détruits dans la région du Nord-Ouest sont venus s’installer dans ces trois villages abandonnés.
Une situation dangereuse puisque l’insécurité est encore présente, les groupes armés anglophones continuant de traverser à pied pour venir chercher de la nourriture et des provisions. Les différents villages restent donc exposés aux attaques à tout moment.
Le chef du groupement Manka Ume Shaibou a demandé au sous-préfet de trouver des moyens pour permettre aux agents de santé d’arriver dans les villages riverains pour sensibiliser les déplacés sur les mesures barrières du coronavirus. Mais apparemment, l’Etat n’a pas mis sur pied un dispositif pour faire ce genre de travail.
Des décès et de nombreux malades enregistrés
Dans un communiqué, le sous-préfet de Magba annonce le décès de plusieurs patients ressortissants de l’arrondissement. Des décès enregistrés après leur évacuation à l’hôpital régional de Bafoussam où se trouve l’unité régionale de prise en charge des malades covid 19. Des tests ont été effectués dans leur communauté d’appartenance et plusieurs cas positifs ont été enregistrés.
« Les malades covid 19 doivent faire l’objet d’un suivi en communauté, mais l’accès aux zones où se trouvent les déplacés n’est pas facile. Nous avons donc peur qu’il y ait une explosion de la maladie dans leur communauté », regrette une source à la sous-préfecture.
Le 05 Mars, le ministre de l’administration territoriale, Paul Atanga Nji, dans un communiqué adressé aux gouverneurs de régions a demandé que les mesures barrières soient renforcées à cause de la montée d’une nouvelle vague du coronavirus.
Mais le communiqué ne précise pas les mesures gouvernementales à prendre pour ceux qui habitent dans des zones de conflit, surtout pour les déplacés. Ce qui est perçu par certains comme un laxisme de la part de l’Etat, puisqu’il revient au gouvernement d’assurer la protection des déplacés. « Les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays jouissent, sur un pied d’égalité, en vertu du droit international et du droit interne, des mêmes droits et libertés que le reste de la population du pays », rappelle l’Onu dans ses principes directeurs sur la prise en charge des déplacés.
Hugo Tatchuam (Jade)