La question mérite d’être posée, au regard de la tendance croissante de la prise de pouvoir par des militaires sur le continent africain. Le dernier exemple, celui du Zimbabwe, avec l’assignation à résidence puis la démission du président Robert Gabriel Mugabe, dépouillé de ses pouvoirs par l’armée du pays, n’est autre chose que la suite logique de l’intervention des hommes en treillis dans l’exercice du pouvoir civil en Afrique. Mais sont-ils pour autant un moyen de rétablissement de la démocratie ?
La question mérite d’être posée, au regard de la tendance croissante de la prise de pouvoir par des militaires sur le continent africain. Le dernier exemple, celui du Zimbabwe, avec l’assignation à résidence puis la démission du président Robert Gabriel Mugabe, dépouillé de ses pouvoirs par l’armée du pays, n’est autre chose que la suite logique de l’intervention des hommes en treillis dans l’exercice du pouvoir civil en Afrique. Mais sont-ils pour autant un moyen de rétablissement de la démocratie ?
Des Chefs d’Etat renversés ou assassinés, des constitutions suspendues et changées, voilà autant de signes qui accompagnent l’avènement brutal des hommes en armes au pouvoir en Afrique. Le dernier coup d’Etat, au Zimbabwe, n’est, au fond, que le respect d’une tradition en vogue depuis près de cinquante ans sur le continent. Antoine Glaser et Stephen Smith, coauteurs de Comment la France a perdu l’Afrique, expliquent que « entre 1960 et 1990, soixante-dix-neuf coups de force ont réussi en Afrique ». Et qu’au cours des trois premières décennies des indépendances africaines, « quatre-vingt-deux dirigeants ont été assassinés ou renversés, huit seulement se sont retirés en paix ; jusqu’à la chute du mur de Berlin, un seul dirigeant, le Premier ministre mauricien, Seewoosagur Ramgoolan, en 1982 a quitté le pouvoir à la suite d’une défaite électorale ».
Classement des pays concernés
Selon le site d’information, Cameroonvoice, qui en établit le classement, en tête du peloton des pays concernés, figurent le Nigéria qui compte, à son actif, huit coups d’Etat (entre 1966 et 1993). La même source indique que le Ghana, la Centrafrique, la Mauritanie, le Soudan et les Comores se disputent la deuxième place avec un changement de régime par la force à cinq reprises.
Pour leur part, le Burundi, l’Ouganda, le Congo, le Niger, le Tchad, le Burkina Faso et la Guinée-Bissau ont déjà enregistré quatre coups d’Etat. A ce classement, on peut ajouter d’autres pays comme la Guinée Bissau, le Mali, etc. La liste, loin d’être exhaustive, traduit la fragilité des institutions républicaines, voire de la démocratie africaine.
Démocratie au bout du canon
Ces putschs ou coups d’Etat militaires sont l’expression d’un malaise profond dont souffre la démocratie en Afrique : l’impossibilité de parvenir à une alternance politique, régulière au sommet de l’Etat, assortie de la gestion presque familiale du pays par les tenants du pouvoir politique.
A 93 ans, Robert Mugabe au pouvoir depuis 1980, n’a pas su donner cet espoir d’alternance au peuple zimbabwéen. En limogeant son vice-président, Emmerson Mnangagwa, considéré comme l’un de ses potentiels successeurs, le chef de l’Etat zimbabwéen, qui a cédé là à un caprice de sa femme, Grace Mugabe, a démontré combien il tenait à confisquer le pouvoir au profit d’une succession familiale à la tête de l’Etat.
La première dame, qui ne cachait plus ses ambitions présidentielles en réclamant publiquement la place du mari, a fait sortir les militaires de leurs casernes.
Après plus de trois décennies de pouvoir de Mugabe, l’armée zimbabwéenne ne pouvait pas supporter l’idée d’un règne de son épouse. Mais au-delà de l’armée, c’est presque tout le Zimbabwe qui a demandé et obtenu la démission du plus vieux président en exercice en Afrique, alors que son propre parti, la Zanu-PF avait lancé la procédure de sa destitution. Ainsi, sur le continent africain, lorsque l’alternance démocratique d’un pays paraît bloquée, les forces armées de ce dernier choisissent de la précipiter. C’est le paradoxe d’une démocratie imposée non pas par le vote des citoyens, mais par les kalachs des hommes en treillis.
YFI