Cameroun : La déforestation, une forme de suicide

(Jade Cameroun/Syfia) Visite d’une forêt ravagée, discussions et recherche de solutions alternatives, exposition de photos et documentaires sur les méfaits de la déforestation. Une Ong camerounaise va dans les villages montrer que la forêt c’est la vie !

(Jade Cameroun/Syfia) Visite d’une forêt ravagée, discussions et recherche de solutions alternatives, exposition de photos et documentaires sur les méfaits de la déforestation. Une Ong camerounaise va dans les villages montrer que la forêt c’est la vie !

Réunis dans une grande cour, une centaine de paysans de Ntuisson, à 20 km de Yaoundé, tirent les leçons d’une visite guidée qu’ils viennent d’effectuer sur des sites de fabrication de charbon de bois de la localité. Tout autour, des affiches montrent des populations croulant sous la chaleur dans un village sans arbre, des feux de brousse qui ravagent des forêts, des forestiers qui déciment les arbres, etc. Les responsables du Centre d’appui à l’éducation de base au Cameroun (Capebac), à l’origine de cette initiative, cherchent ainsi à sensibiliser l’assistance aux méfaits de la déforestation.

Villageois, responsables du Centre, cadres originaires de la localité. les échanges fusent de tous côtés. François Essimbi Essimbi, médecin à Yaoundé et originaire du coin, évoque, amer, un espace où la forêt a disparu depuis belle lurette : « C’est un endroit où on a brûlé du charbon de bois. Rien ne pourra pousser là pendant un certain temps parce que la terre est complètement appauvrie ». Ntuisson n’a pas été choisi au hasard pour la visite. On y voit d’un côté, la forêt vierge et de l’autre, un espace entièrement déboisé, où ne poussent plus que des herbes. Lors de la visite, le groupe a pu voir les nombreuses trouées laissées dans la forêt par les sites de production de charbon de bois. Thomas Ebanda, un cadre de l’Association environnement de Soa, en est fort inquiet : « Trois foyers à charbon en l’espace de 20 m. Cela montre bien l’ampleur de la destruction de ce qui nous reste comme forêt ».

Les villageois y vont eux aussi de leurs constats : « Le kondengui (nom local d’une mauvaise herbe, Ndlr) gagne les zones de déforestation », lance une femme. Un homme enchaîne en faisant remarquer que les pièges restent désormais souvent vides faute de gibier. Une autre voix s’élève pour déplorer que de jeunes palmiers soient coupés ou déracinés par les cueilleurs de vin de palme. Après les avoir écoutées, François Essimbi Essimbi reformule ces préoccupations et retourne les questions au public : « Faut-il encourager la propagation de l’herbe kondengui chez nous ? », « Devons-nous avoir des forêts sans animaux ? « Est-ce normal que nous n’ayons plus de palmiers dans ce village de Nkolmelen qui signifie la colline des palmiers ? » Puis, il rappelle que « les parents n’abattaient pas les palmiers ». « Pour cueillir leur vin, ils utilisaient le cerceau (liane nouée autour du tronc pour soutenir le grimpeur, Ndlr) ».

« Détruire la forêt, c’est détruire l’homme »

Se sentant accusés, certains réagissent. « De nos jours, il n’y a pas assez d’emplois et nos frères diplômés regagnent le village. C’est pourquoi on se lance dans la production du charbon pour nourrir tout le monde, envoyer les enfants à l’école, acheter du pétrole ou se faire soigner », avance Joseph Tabi, la quarantaine dépassée. « Dans ma localité, on ne fait pas de charbon et pourtant on envoie les enfants à l’école », réplique Megnomo Ze.

Willy Aristide Wandji, un animateur du Capebac, explique que le déboisement appauvrit la terre et invite les participants à réfléchir à ce qui se passerait si un jour ils ne pouvaient plus cultiver. »Et quand il n’y aura plus de bois, vous ferez comment pour envoyer vos enfants à l’école et vous nourrir ? », demande-t-il à l’assistance. « On vend le terrain ! », lance, ironique, une voix anonyme. François Essimbi Essimbi, tranche, catégorique : « Détruire la forêt, c’est détruire l’espèce humaine ». Et d’expliquer : « Les arbres dégagent l’oxygène que nous consommons et consomment le gaz que nous rejetons et les fumées issues de nos cuisines. C’est capital pour notre respiration. Sans arbre, c’est la porte ouverte à plusieurs types de maladies ».

Après ces discussions, des films documentaires sur les effets pervers du déboisement dans le monde ont été montrés aux villageois. Au Cameroun, cette campagne sur la forêt équatoriale, a débuté le 7 juillet. Elle est financée par le Programme Promotion de la culture scientifique et technique (PCST) du ministère français des Affaires étrangères, mis en œuvre par l’Institut de recherche pour le développement (IRD, France). Après Soa (Ntuisson et les villages environnants), elle se poursuit dans trois autres communes de la région de Yaoundé. « A Yaoundé 1er, la déforestation est causée par l’urbanisation ; à Akono, elle est due à la coupe sauvage de bois de chauffe ; à Batchenga elle a aussi ses causes que les populations vont identifier », précise-t-on au Capebac.

L’approche participative a été choisie pour mieux impliquer les populations. « C’est mieux de se familiariser avec les villageois, puis de les amener à découvrir eux-mêmes les problèmes et de les aider à affiner leurs observations avant de dire ce qui peut détruire ou préserver leur environnement », explique Daoudou Njoya, secrétaire exécutif de ce centre. Il estime que c’est aux principaux intéressés de proposer eux-mêmes des solutions. « Quand les projets tombent sur la tête d’un villageois sous forme d’instructions officielles, ils n’adhèrent pas en se disant que c’est la chose de l’État ».

Convaincus à l’issue de la discussion, certains paysans ont reconnu la nécessité de stopper le boisement afin de garantir un espace viable aux générations futures. Motivés, ils envisagent de diversifier leurs sources de revenu par la pisciculture, l’élevage, la culture du piment et du maïs, la création des champs communautaires, etc. Henri Justin Ondoua, cadre municipal, a promis que la mairie les soutiendrait. Le Capebac est disposé à les encadrer. Essimbi Essimbi, lui, prêche déjà par l’exemple : il a transformé sa concession en un verger où poussent avocatiers, orangers, goyaviers et manguiers…

François Xavier Eya
Article réalisé avec le soutien du projet Promotion de la culture scientifique et technique (PCST).

 

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