Tchad-Chine : Un rapprochement stratégique

(Syfia Tchad) Du 3 au 5 novembre 2006, le président tchadien Idriss Déby, comme une quarantaine de chefs d’État ou de gouvernement africains, sera à Pékin, à l’occasion du 3e Forum sur la coopération sino-africaine. N’Djamena, par pragmatisme, a récemment opté pour la Chine populaire provoquant ainsi l’arrêt de la coopération taïwanaise.

La coopération des Chinois de Pékin remplacera-t-elle celle des Chinois de Taïpeh ? C’est l’espoir des quelque 600 Tchadiens qui ont perdu leur emploi à la suite du brusque arrêt des relations diplomatiques entre Taïwan et N’Djamena. « Les responsables nous ont réunis pour nous annoncer la nouvelle de leur départ du Tchad. Puis, dans la précipitation; ils nous ont payé de maigres droits« , fustige Mahamat Tolbaye, ex-chauffeur à la Mission médicale taïwanaise, un projet qui s’est achevé en août dernier.


Tout a commencé par un communiqué de presse officiel daté du 6 août dernier signé des ministres des Affaires étrangères du Tchad et de Chine : « La République du Tchad et la République populaire de Chine ont décidé de rétablir leurs relations diplomatiques au niveau des ambassadeurs. » Le communiqué précise que « le gouvernement de la République du Tchad reconnaît qu’il n’y a qu’une Chine dans le monde (.) et que Taïwan fait partie intégrante du territoire chinois« . De quoi provoquer la rupture immédiate des relations diplomatiques avec Taïwan qui se considère toujours comme une entité différente de la Chine populaire. Le Tchad est, après le Sénégal et le Libéria, le troisième pays africain à rompre avec Taïwan.


 


« Être l’ami du plus fort »


Officiellement, il est question de développer la coopération bilatérale dans les domaines politique, économique, commercial, culturel, de l’éducation et de la santé publique, « afin de promouvoir les relations sino-tchadiennes de façon durable et saine ». Mais selon un responsable du ministère des Affaires étrangères, qui a requis l’anonymat, les raisons du rétablissement des relations diplomatiques avec Pékin sont avant tout d’ordres militaire et politique. Militaire car, explique-t-il, « la Chine est présente au Soudan d’où elle apporte son soutien aux rebelles du Front uni pour le changement démocratique (FUCD) de Mahamat Nour Abdelkérim qui tente de renverser le pouvoir en place (à N’Djamena, Ndlr) ». En avril dernier, les éléments de cette rébellion, née dans l’Est tchadien et soutenue par le Soudan, sont entrés à N’Djamena avant d’être repoussés par les loyalistes. D’après ce diplomate, N’Djamena aurait discuté en coulisse avec Pékin afin que la Chine cesse d’aider les rebelles par le biais du gouvernement soudanais.


Pour Abakar Haroun, professeur en relations internationales à l’Université de N’Djamena, « la Chine est une grande puissance, membre du Conseil de sécurité des Nations unies avec un droit de veto. Il faut toujours être ami du plus fort ». Un pragmatisme qui pourrait éviter au président Déby, en conflit avec de multiples rébellions depuis sa prise du pouvoir en 1990, d’être poursuivi pour crimes de guerre.


Du côté de la Chine populaire, les raisons de ce rapprochement diplomatique sont essentiellement économiques. En pleine expansion, elle s’intéresse au pétrole tchadien, dans le cadre d’un redéploiement international de ses sources d’approvisionnement. La Chine est d’ailleurs sur le point d’entrer dans le capital de la filiale tchadienne d’Encana, une société canadienne d’exploration pétrolière.


 


Nombreux projets de coopération


En 1972, le Tchad et la Chine populaire avaient déjà établi des relations bilatérales, rompues en 1997 par Pékin en raison de la reconnaissance de la république de Chine par N’Djamena. En établissant des liens diplomatiques avec Taïwan, Idriss Déby qui payait difficilement ses fonctionnaires, cherchait alors une coopération plus généreuse et moins regardante sur les conditions d’utilisation des fonds. Taïpeh, de son côté, était à la recherche d’une reconnaissance internationale. Idriss Deby l’avait alors assuré du « ferme soutien du gouvernement et du peuple tchadien au combat que mène Taïwan pour briser les manoeuvres d’isolement sur l’arène internationale.« 


Le Tchad n’avait pas eu à le regretter car depuis plus de quinze ans, ce pays classé parmi les plus pauvres du monde, a reçu plus de 15 milliards de Fcfa (22,8 millions d’Euros) par an de Taïwan. Les projets de coopération portaient sur quatre axes prioritaires : transport, santé publique, agriculture et éducation. Un pont à double voie sur le Chari et le bitumage de nombreuses voies à N’Djamena ont ainsi été réalisés. Taïwan a financé le recrutement de 1 000 enseignants du secondaire et la construction de nombreuses écoles.


À présent que cette coopération est rompue, quel sera le sort des Tchadiens qui travaillaient dans ses différents projets ? « C’est une question sociale très importante, reconnaît le ministre des Affaires étrangères. Pour ceux qui sont dans les projets, le gouvernement peut poursuivre avec eux. Mais pour ceux qui travaillaient directement avec la Mission diplomatique taiwanaise, tout dépendra de l’ambassade de Chine (populaire, Ndlr). »


 


Ngarmbassa Moumine et Étienne Tassé


 


 


 

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