(Jade Cameroun/Syfia) La loi a changé. Les mentalités évoluent peu à peu. Un millier d’enfants n’iront plus trimer dans les plantations camerounaises. Mais beaucoup reste à faire pour les quelque 99 000 autres qui y travaillent encore.
(Jade Cameroun/Syfia) La loi a changé. Les mentalités évoluent peu à peu. Un millier d’enfants n’iront plus trimer dans les plantations camerounaises. Mais beaucoup reste à faire pour les quelque 99 000 autres qui y travaillent encore.
« Docteur », « gendarme », « ministre », « président de la République », « menuisier », « entrepreneur. » Interrogés sur le métier de leur rêve, les enfants retirés des plantations de cacao camerounaises se voient pour la plupart assis derrière des bureaux ou donnant des ordres. Aucun, et on le comprend, ne souhaitent retourner à la terre, et surtout pas dans ces cacaoyères où ils ont durement travaillé après avoir abandonné l’école parfois avant la fin du cycle élémentaire.
Entre 2003 et 2006, sur les quelque 100 000 jeunes Camerounais employés dans les plantations, le Programme ouest africain de prévention et de lutte contre le travail des enfants dans les secteurs du cacao et de l’agriculture commerciale (Wacap) a réussi à en sortir 1 109 des plantations. Près d’un tiers d’entre eux ont été réadmis dans des écoles ou des centres de formation. Financé par le Département américain du Travail et piloté par le Bureau international du travail (BIT), le Wacap s’est appuyé sur la mobilisation des Ong locales qui a permis d’étendre le programme à quatre des dix provinces du pays contre trois prévues au départ. Cinq cents parents ont reçu une assistance matérielle ou financière et ont été formé à d’autres activités afin qu’ils puissent financer la scolarité de leurs enfants.
Une nouvelle loi
La lutte contre le travail des enfants a d’abord été une lutte contre le déni et la méconnaissance de ce problème au Cameroun. Les pouvoirs publics contestaient en effet la réalité et l’ampleur de ce phénomène et exigeaient des preuves. Deux enquêtes sur le travail des enfants, la santé et la sécurité dans l’agriculture, menées en 2004, ne laissaient plus place au doute. Elles montrent que dans les plantations, des enfants de moins de 14 ans manipulent sans protection des produits chimiques, sont soumis pendant de longues heures au défrichage, à la récolte ou au transport des fèves de cacao. Avec à la clé des maux de dos, des maladies respiratoires, des affections de la peau sans compter les crises de paludisme particulièrement dangereuses pour des enfants épuisés par trop d’efforts physiques.
Confrontés à cette réalité, une loi a été promulguée en décembre 2005 qui interdit le travail des moins de 15 ans et vise à éliminer les pires formes de travail des enfants. La campagne menée par le Wacap a également commencé à faire bouger les mentalités. Président de la Confédération des organisations rurales pour le Cameroun économique et lui-même cacaoculteur, Jean Mbarga, lance comme un cri du cœur : « Par le passé, nous utilisions des jeunes enfants et même nos propres enfants à des tâches qui pouvaient totalement hypothéquer leur avenir sans le savoir. Aujourd’hui je préfère aller mourir seul dans ma plantation que d’y envoyer mes enfants. »
Beaucoup de parents croient de bonne foi préparer leurs enfants au métier d’agriculteur en leur confiant des tâches dans leur plantation. La position de l’Organisation internationale du travail (OIT) à cet égard est nuancée : elle reconnaît que conformément à la tradition, les enfants doivent assister et aider leur famille mais à condition d’être exemptés des tâches pénibles et dangereuses, de ne pas travailler pendant de longues heures et d’avoir plus de 14 an
Retour à la case départ ?
Malgré ces avancées, la partie n’est pourtant pas gagnée. Un millier d’autres enfants, en cours de retrait des plantations, risquent de ne pas pouvoir terminer leur scolarité car la phase-pilote du projet s’est achevée le 30 avril dernier. Parmi eux, 635 ne font que démarrer le cycle primaire. Selon la convention signée avec l’OIT, l’État camerounais devrait prendre la relève mais il affirme ne pas en avoir les moyens. Il a investi plus de 30 000 euros depuis le lancement de la lutte en 2003, ce qui demeure très insuffisant compte tenu des actions à poursuivre ou à entreprendre. »Il y a un début d’appropriation mais il faudra du temps pour que le processus se mette définitivement en marche et en attendant il nous faut encore un soutien extérieur », plaide Irène Ngwenang, chef de cellule de la coopération au ministère du Travail.
Du coup, certains craignent un retour à la case départ. « Notre souhait est d’être assistés pendant quelques temps encore », déclare Jean Mbarga. « Il est très dangereux de donner espoir à un enfant, à un parent et de le briser par la suite. Les facteurs qui concouraient à l’exploitation des enfants sont toujours là« , regrette Béatrice Fri Bimé, coordonnateur local de l’OIT au Cameroun. Alice Ouedraogo, directrice du bureau sous-régional de l’OIT en Afrique centrale, estime quant à elle que les différents partenaires sur le terrain disposent à présent des compétences pour continuer la lutte. Mais l’argent, nerf de la guerre, fait défaut. Et des milliers de jeunes Camerounais continuent à travailler dans les plantations au péril de leur santé.
Charles Nforgang
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