Pour juguler la fraude fiscale, les pouvoirs publics ivoiriens ont conçu un modèle de facture unique pour les commerçants. Ces derniers, qui pour la plupart opèrent dans l’informel, n’en veulent pas et traînent des pieds.
Nous restons vigilants. Si nous n’obtenons pas gain de cause, nous reconduirons la grève. » La plupart des commerçants ivoiriens persistent et signent. Ils refusent de se soumettre aux opérations de contrôle que la Direction générale des impôts (DGI) promet de déclencher sous peu pour vérifier s’ils utilisent la « facture normalisée ». Ce modèle unique, émis par la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire (CCI-CI), résulte de l’application d’une loi promulguée en mars 2005 par le président Laurent Gbagbo. Déjà du 2 au 6 janvier 2006, les commerçants avaient observé un mouvement de grève et exigé du gouvernement la révision des conditions de mise en œuvre de cette facture.
Cette controverse cache en fait de gros enjeux économiques. De nombreux commerçants, opérant dans l’informel, ont pris l’habitude d’acheter et de vendre sans facture, de se faire confectionner leurs propres factures ou de les remplir en omettant le compte contribuable. Ce qui leur évite de payer la TVA et les met à l’abri des contrôles fiscaux, occasionnant du coup à l’État un manque à gagner estimé à 3 milliards de Fcfa (plus de 4,5 millions d’euros) par mois. Une perte considérable pour l’économie ivoirienne, déjà mise à mal par les répercussions négatives de la crise militaro-politique qui déchire le pays depuis septembre 2002.
Un des objectifs de la DGI est clairement de contraindre ainsi les commerçants ivoiriens à sortir de l’informel. La majorité d’entre eux crient au »harcèlement fiscal » et s’insurgent contre la mention sur la facture du compte contribuable du vendeur, car beaucoup parmi eux n’en disposeraient pas. Ils redoutent les forces de l’ordre qui racketteraient déjà ceux qui n’ont pas les nouvelles factures.
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Les arguments que le Collectif avance ne sont pas valables, critique cependant Mohamed Ould Ibrahim Lakdaf, porte-parole d’un groupe de petits commerçants et d’opérateurs économiques. « Dire qu’il faut attendre la réunification du pays avant l’application de la facture normalisée reviendrait à nous demander de fermer nos magasins et attendre que la Côte d’Ivoire soit à nouveau unifiée avant de les rouvrir. C’est impensable ! » Un point de vue partagé par la DGI pour qui l’heure n’est plus aux discussions avec les commerçants, car « une loi est une loi et doit être appliquée comme telle ».