Depuis leur arrivée en 2014, ils n’ont reçu aucune aide de l’Etat du Cameroun. Avec l’avènement des troubles sociaux politiques en République Centrafricaine (RCA), plusieurs Centrafricains ont quitté leur pays pour se réfugier à Ngan-Ha et Nyassar des localités situées dans dans le département de la Vina, région de l’Adamaoua.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, certains Tchadiens se sont aussi retrouvés dans cette région. « Je suis arrivé ici en 2014. Au début ce n’était pas facile de s’intégrer au sein de la communauté, car tout le monde se méfiait de nous. Avec le temps ils ont compris notre situation et ont commencé à nous céder quelques parcelles de terre pour cultiver. Jusqu’ici nous n’avons pas encore reçu de l’aide venant de l’Etat du Cameroun. Seule l’Association des Femmes et Filles de l’Adamaoua a commencé à nous suivre depuis trois ans aujourd’hui et les choses s’améliorent de temps en temps », témoigne sous anonymat un réfugié centrafricain.
C’est le même son de cloche chez les quelques déplacés internes ayant fui les atrocités de la secte terroriste Boko Haram dans la région de l’Extrême-Nord. « Souvent nous avons peur de parler de certaines choses parce que nous ne sommes pas chez-nous ici. Mais ce que je peux vous dire c’est que la vie n’est pas facile ici surtout qu’on a tout laissé derrière nous. Même pour manger on tire le diable par la queue », relate un déplacé interne venu de Mokolo dans la région de l’Extrême-Nord.
L’apport de la mairie
Le maire de la commune, Mohamadou Awalou, de l’arrondissement de Ngan-Ha qui accueille ces réfugiés et déplacés internes avoue n’avoir pas assez de moyens pour soutenir spécialement ces réfugiés. « Ces réfugiés et déplacés internes étaient là avant notre arrivée en 2020 à la tête de la commune d’arrondissement de Ngan-Ha. Nous n’avons pas suffisamment de moyens pour venir en aide uniquement à ces réfugiés et déplacés internes. Compte tenu du fait qu’ils vivent en communauté, lorsque la mairie mène une action dans ces villages, nous savons qu’elle profite à la fois aux populations locales et à ces réfugiés ainsi qu’aux déplacés internes. Je prends par exemple un point d’eau ou une école que nous construisons dans ces villages, nous savons que c’est tout le monde qui en bénéficie », explique le maire.
A la sous-préfecture, la présence de ces réfugiés est un fait réel, mais on s’avoue impuissante à leur fournir une quelconque aide. « Je suis arrivé ici et j’ai trouvé que ces réfugiés et déplacés internes qui étaient déjà là. En ma qualité de sous-préfet, je n’ai pas les moyens pour leur venir en aide. J’ai déjà un fait un rapport à ma hiérarchie parlant de leur présence et de leur situation ici. Toutefois, nous faisons de temps en temps des descentes dans ces villages pour nous rassurer que la vie en communauté se passe bien. Je peux vous assurer que la cohabitation jusqu’ici est pacifique », rassure Yves Bissa sous-préfet de l’arrondissement de Ngan-Ha.
Le secours de Affada
Depuis trois ans aujourd’hui, l’Association des Femmes et Filles de l’Adamaoua (Affada) est aux côtés de ces réfugiés et déplacés internes. Cette association que dirige Madame Aïe Françoise Baba leur apporte entre autres, un accompagnement communautaire pour augmenter chez ces derniers de l’estime en soi, lutter contre les stigmatisations, promouvoir le vivre ensemble communautaire. « Nous faisons un plaidoyer en demandant aux populations de leur trouver des espaces cultivables pour les activités agricoles. Nous offrons aux réfugiés et aux populations hôtes des semences et intrants agricoles. Nous assistons les réfugiés dans la préparation des champs et nous leur donnons des conseils pour la commercialisation et on s’assure que cette commercialisation se passe bien », témoigne Madame Aïe Françoise Baba, présidente de l’Affada.
Tout à côté, cette même association leur apporte aussi un accompagnement sanitaire et scolaire. « Nous avons réfectionné les centres de santé de Ngan-Ha et Nyassar plus précisément les maternités où nous avons offert des tables d’accouchement et des boites d’accouchement. Chaque année, nous leur offrons des médicaments génériques de première nécessité contre le paludisme et les maladies hydriques. Sur le plan scolaire, nous nous occupons des salaires des maitres dans les écoles publiques de Ngan-Ha et de Nyassar. Nous offrons également du matériel didactique aux enfants réfugiés les plus vulnérables », fait savoir Madame Aïe Françoise Baba.
Que prévoit la loi ?
La convention et le protocole relatif au statut des réfugiés en son article 20 stipule que, « Dans le cas où il existe un système de rationnement auquel est soumise la population dans son ensemble et qui réglemente la répartition générale des produits dont il y a pénurie, les réfugiés seront traités comme les nationaux ». Sauf que, dans le cas d’espèce même les nationaux n’ont rien reçu allant dans ce sens. Pourtant si l’on prend l’exemple de la France d’où nous nous inspirons le plus souvent, une famille d’accueil des réfugiés ukrainiens en France suite à la guerre russo-ukrainienne, reçoit une aide financière de 450 euros pour les 90 premiers jours d’hébergement. Au-delà de cette période, la famille qui héberge peut bénéficier de 5 euros par jour soit 150 euros pour 30 jours supplémentaires.
Pour ce qui est des déplacés internes, l’article 4 de la convention de l’Union Africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique, sur les obligations des Etats parties relatives à la protection contre le déplacement interne, qui a été ratifiée par le Cameroun est bien précise. « Toute personne a le droit d’être protégée contre le déplacement arbitraire…le déplacement individuel ou massif de civils en situation de conflit armé, sauf pour des raisons de sécurité des civils impliqués ou des impératifs d’ordre militaire conformément au droit international humanitaire », peut-on lire. Et à l’article 5 de cette même convention de stipuler que « les Etats parties assument leur devoir et leur responsabilité première d’apporter protection et assistance humanitaire aux personnes déplacées, au sein de leur territoire ou de leur juridiction, sans discrimination aucune ».
Par Francis Eboa (Jade)