Adamaoua. Campagne de sensibilisation contre la xénophobie. Les Mbororos principales victimes des discours de haine

Au Cameroun, certaines personnes s’autoproclament « autochtones » et considèrent d’autres ethnies que la leur comme allogènes. Dans l’Adamaoua, une campagne a été menée pendant une semaine contre les discours de haine et la xénophobie, dont sont victimes en particulier les Mbororos.

« J’ai été investi par le parti au pouvoir lors de la dernière élection des conseillers régionaux. Pendant la constitution de mes dossiers, il y a un proche de notre président de la section Rdpc Mayo-Banyo Sud, qui est allé lui dire que ce candidat que tu investis non seulement il est de la minorité ethnique mbororo, mais aussi c’est un apatride. Et s’il n’est pas apatride, c’est un nigérian. Cela a failli discréditer ma candidature. Heureusement que le président de notre section de l’époque ne l’a pas écouté. Le président lui a dit qu’à partir du moment où je dispose de mon acte de naissance dont la souche se trouve à la commune de Bankim, de ma carte nationale d’identité, il ne voit pas la raison pour laquelle on doit disqualifier ma candidature ». Ce témoignage du jeune Mbororo Marouf Hamidou fait froid dans le dos car jusqu’ici certaines personnes qui se disent « autochtones » continuent à considérer les autres comme des allogènes. Lorsqu’une occasion se présente, on ne cesse de vous rappeler que vous n’êtes pas chez vous.

En réalité, ce phénomène ne date pas d’aujourd’hui. Mais l’arrivée des réseaux sociaux est venue amplifier les choses. « Ce phénomène monte d’une façon exponentielle au Cameroun. Pour ce qui nous concerne, nous les Mbororos, cela a toujours été une habitude. On nous a toujours considérés comme les « wari wari » c’est-à-dire comme des envahisseurs si vous voulez, ou encore des alllogènes partout où on se retrouve. Je me souviens lorsque j’étais à l’école primaire, je n’arrivais pas à sortir pendant la récréation, car partout où je pouvais passer, on criait sur moi « mbororo, mbororo ». Ce qui était encore plus grave c’est que, lorsqu’un enseignant voulait insulter un élève, il lui disait « regarde-moi ce mbororo », qu’il soit mbororo ou pas », se souvient Oumarou Sanda, secrétaire général du bureau nation de l’Association pour le développement socioculturel des mbororos (Mboscuda).

Ainsi, lors de la célébration de la journée internationale de la paix qui a eu lieu le 21 septembre dernier, le gouverneur de la région de l’Adamaoua a reconnu ces discours haineux dans sa circonscription et attiré l’attention des uns et des autres. « Je voudrais que la population prête une attention particulière à la célébration de cette journée. Il faut que nos populations comprennent que l’Etat du Cameroun met tout en œuvre pour que toutes les composantes sociologiques, les tribus vivent en parfaite harmonie pour regarder dans la même direction parce que si tous les peuples ne se tolèrent pas et ne s’acceptent pas il va de soi que c’est un Etat qui ne pourra pas faire décoller son plan de développement, qui ne pourra pas atteindre l’émergence fixée par le Chef de l’Etat », a souligné Kildadi Taguiéké Boukar, gouverneur de l’Adamaoua.  

Sensibilisation

A l’occasion de la célébration de la journée internationale de la paix édition 2022, le thème qui a été retenu sur le plan local est « non au discours de haine et à la xénophobie ». Dans la région de l’Adamaoua, outre ces discours de haine qui pullulent sur les réseaux sociaux, les populations dites non « autochtones » le vivent au quotidien, car, certaines personnes ne cessent de vous rappeler que vous êtes un étranger. Pour essayer de renverser la tendance, l’Association des Femmes et Filles de l’Adamaoua (Affada), a accentué son activité dans la sensibilisation des jeunes en milieu scolaire à travers des affiches.

« Comme vous le savez, l’Association des Femmes et Filles de l’Adamaoua a une longue tradition de programmes de travail sur la paix dans l’Adamaoua. Cette fois-ci, la commission nationale pour le bilinguisme et le multiculturalisme nous a mandatée pour mener une campagne de lutte contre le discours de haine et la xénophobie. Nous en sommes reconnaissantes et nous leur disons aujourd’hui merci d’avoir pensé que ce que nous faisons depuis des années a du sens. Nous avons mené une campagne d’affiches dans toute la région de l’Adamaoua notamment dans les départements. Nous avons organisé des tables rondes. Et, le jour de clôture, nous avons bouclé notre activité par une grande campagne motorisée dans les artères de la ville de Ngaoundéré », se réjouit Madame Françoise Aïe Baba, présidente nationale de Affada.

La loi 

A l’allure où vont les choses aujourd’hui, l’on se demande si c’est par ignorance des sanctions prévues par la loi que certains Camerounais continuent de divulguer des discours haineux sur les réseaux sociaux. Pourtant, la loi de 2019 en son article 241-1 nouveau intitulé outrage à la tribu ou à l’ethnie, dispose que, « Est puni d’un emprisonnement de un à deux ans, d’une amende de 300.000F à 3.000.000 Fcfa celui qui par quelque moyen que ce soit tient des discours de haine ou procède à l’incitation à des violences contre des personnes en raison de leur appartenance tribale ou ethnique ».

La même loi en son article 241-3 est encore plus sévère pour une certaine catégorie de personnes « Lorsque l’auteur du discours de haine est un fonctionnaire au sens de l’article 131 du présent code, un responsable de formation politique, de média, d’une organisation non gouvernementale ou d’une institution religieuse, les peines prévues à l’alinéa 1 ci-dessus sont doublées et les circonstances atténuantes ne sont pas admises ». De toutes les manières, nul n’est censé ignorer la loi.

Par Francis Eboa (Jade)

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :