Transparency International : « Des autorités administratives émargent au budget des agro-industries»

Dans une récente enquête, Transparency International Cameroon dénonce la corruption et les violations des droits humains dans les bananeraies de Njombé-Penja, détenues par le groupe français Compagnies Fruitières. Dans cet entretien, Roger Ngoh Yom, le Directeur exécutif de l’Ong, fait l’économie de l’étude.

Dans une récente enquête, Transparency International Cameroon dénonce la corruption et les violations des droits humains dans les bananeraies de Njombé-Penja, détenues par le groupe français Compagnies Fruitières. Dans cet entretien, Roger Ngoh Yom, le Directeur exécutif de l’Ong, fait l’économie de l’étude.

Comment s’est déroulée l’étude ayant abouti à cette publication sur la corruption et les violations des droits humains dans les bananeraies de  Njombe-Penja?

Roger Ngoh Yom : C’est un travail qui est à la fois documentaire et une enquête de terrain. Nous avons exploité plusieurs documents qui avaient été mis à notre disposition. Ensuite, il y a eu un travail de terrain qui a consisté à aller voir sur place comment tout cela est organisé, comment tout cela fonctionne, relativement à des questions liées à la pollution, à des questions liées aux conditions de vie des employés, des entretiens avec des personnes qui sont concernées, des entretiens avec des structures qui sont aux prises avec toutes ces entreprises. Le résultat final est un croisement de toutes ces démarches-là.

Quelles sont les différentes pratiques de corruption relevées par l’étude et comment se manifestent-elles concrètement à Njombé-Penja?

Des aménagements fiscaux particuliers en totale violation de la loi fiscale. Par exemple des exonérations de ces entreprises qui ne payent pas d’impôts alors qu’elles font des chiffres d’affaires en dizaine de milliards. Elles étaient dans un régime assez curieux qui nous a semblé bizarre. Nous avons eu accès à des documents qui révélaient un ensemble d’actions administratives, des connivences avec un ensemble d’autorités, notamment des personnalités qui pouvaient ça et là émarger sur le budget de l’entreprise alors qu’elles ne sont pas spécialement employées là-bas. Ce qui ne les met pas en capacité de dénonciation ou de sollicitation de réparation. Et cela se voit d’ailleurs dans la suite des abus ou des violations qui sont commises.

Quelles sont les conséquences de ces pratiques sur les employés, les populations et même, la commune de Njombe-penja, ainsi que sur l’économie du Cameroun ?

Il y a une perte de recettes pour la commune. Les recettes de la commune sont amputées de cette source qui est hyper importante en termes de volume. Cette ressource pourrait permettre à la commune de jouer son rôle dans l’encadrement et l’amélioration des vies des populations locales. Pour l’Etat, c’est une baisse de ressources. Il y a des abus sur les populations par rapport à la qualité de leur vie. Vous vous imaginez bien que des gens mal payés travaillent plus de 40 heures par semaine ! Il n’y a qu’à voir sur place dans quelles conditions ces populations vivent. Relativement à cette question de pollution, il y a une dégradation de l’état de santé des populations riveraines. Beaucoup sont victimes de l’effet nocif des produits utilisés lors de l’épandage pour le traitement des plantations. Ces produits sont prohibés dans les pays d’origine de ces entreprises, mais sont utilisés dans ces plantations. On peut également évoquer des problèmes de prédation des terres.  

Que peuvent faire les différentes catégories de victimes pour obtenir réparation du préjudice ?

C’est de crier leur douleur. Nous prêtons main forte à ces populations, à ces victimes à travers cette étude, et la dissémination de ses résultats. Maintenant, elles peuvent s’organiser pour obtenir, par rapport à des aspects précis, une amélioration de leur situation.

Quelles ont été les difficultés rencontrées lors de l’étude?

Le manque de collaboration des agro-industries PHP et SPM, principalement. Ce manque de collaboration a quand même un peu gêné  parce que nous souhaitions faire un travail équilibré et avoir leurs avis sur tous les éléments qui étaient mis à notre disposition et qui étaient à leur désavantage. Sauf que la gravité des éléments présentés est quand même suffisamment importante pour pouvoir amener à tirer des conclusions et à sonner l’alerte.                   

Ces difficultés ne remettent-elles pas en cause la qualité de l’enquête ?

Nous avons pris le temps qu’il fallait. Ça peut donner un sentiment de déséquilibre mais, ce n’était pas faute d’avoir essayé. Nous nous sommes limités aux faits qui étaient irréfutables, soit par le constat, soit par la qualité documentaire. Si vous avez un document fiscal qui vous dit que ces gens-là ne payent pas, vous allez  après  vous demander comment ils en sont arrivés là. Le fait est qu’ils ne payent  pas. Le document l’atteste  donc il est irréfutable  en l’état. On ne peut pas s’appuyer dessus pour l’invalider, non ce n’est pas possible. Nous avons pris quand même le soin qu’il fallait pour que sur ce point de vue, on soit le moins mal à l’aise.

Réalisé par Béatrice KAZE (JADE)
Les articles sont produits avec l’aide financière de l’Union Européenne à travers le PASC. Le contenu de ces articles relève de la seule responsabilité de JADE Cameroun et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l’Union Européenne.

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