Hugues Nzokou est mort sous les balles des policiers des équipes spéciales d’intervention rapide (ESIR). Ce commerçant de 31 ans menaçait avec un pistolet les clients d’une auberge de Bafoussam. La famille du défunt dénonce une bavure.
Midi vient de sonner, ce dimanche 23 octobre 2011. La chaleur se fait de plus en plus lourde. La dépouille d’Hugues Nzokou, abattu dans la nuit du 15 au 16 octobre 2011 dans une auberge de la septième rue Nylon à Bafoussam, va être inhumée dans quelques heures. Une foule se dirige vers « Grand Raphia » au quartier Kouogou où auront lieu les obsèques.
L’atmosphère est lourde. Michael Francis Mbé, le père du défunt, effectue des va et vient autour de la maison qui abrite le cercueil de son fils. « Hugues Nzokou prendra d’ici quelques heures un vol vers une destination inconnue. Les policiers ont tué mon fils ! Ils l’ont abattu comme un oiseau en plein vol ! « , se lamente-t-il.
Le policier a tiré
Dans la soirée du samedi 15 octobre autour de 21h30, Hugues Nzokou débarque dans l’auberge où il a retenu une chambre. « Le gérant lui tend la clé. Peu de temps après, il laisse sa compagne dans la chambre et vient s’installer au bar », rapportent des témoins. Une discussion, entre lui et quelques clients, tourne au vinaigre. Hugues Nzokou sort alors son arme, un pistolet calibre 12 de marque Beretta. Pris de panique, les clients et les employés de l’auberge s’enfuient et se cachent. Alertés, les policiers bien entraînés de l’Equipe spéciale d’intervention rapide (Esir) débarquent. Le forcené bat en retraite dans sa chambre. De sources officielles, Hugues Nzokou aurait été le premier à pointer son arme sur le policier en tête de la patrouille d’intervention. « Celui-ci a tiré. Ses balles ont atteint Hugues Nzokou à l’omoplate et aux jambes. Il est mort pendant son transfert à l’hôpital », soutient un témoin.
Une version qui ne convient pas à la famille du défunt.« Le procureur doit se saisir de cette affaire. Nous interpelons les autorités afin que les responsabilités des uns et des autres soient établies. Les éléments des équipes spéciales de la police sont formés dans l’optique de pouvoir neutraliser des pirates de l’air. Je ne comprends pas comment ils ont pu abattre mon fils, sans raison valable. Pourquoi l’a-t-on confondu ? Il faut s’interroger sur le réel niveau de certains éléments de notre police. Il faut se poser des questions quant à leur moralité », s’indigne notamment le père de la victime, qui ajoute : « Mon fils a reçu une bonne éducation. Après l’avoir formé en menuiserie, je l’ai orienté vers le commerce lorsque j’ai vu qu’il ne s’en sortait pas. Il n’était pas violent. Il était un modérateur. Il a d’ailleurs été élu président de son clan d’âge dans le village. Et dans ce milieu, il faisait tout pour tempérer les uns et les autres », affirme-t-il.
Neutraliser sans tuer
A la 1ere rue du marché « B » à Bafoussam, les voisins d’Hugues Nzokou partagent cet avis. Walter Nembot, le frère cadet du défunt se veut plus offensif : « Mon frère a été assassiné pour rien », lâche-t-il. Interrogé, Me Fabien Che, avocat au barreau du Cameroun, conclut à la « bavure policière ». « Les membres d’Esir, équipe d’élite de la police camerounaise, ont reçu une formation pointue pour contrer des criminels de grands chemins sans avoir besoin de commettre des exactions. Même s’il est avéré que ce jeune homme avait sur lui une arme à feu, les policiers ont été formés pour pouvoir le neutraliser sans porter atteinte à sa vie », explique l’homme de droit.
Cette affaire en rappelle une autre : celle de David Kaleng, ce jeune homme de 24 ans abattu à bout portant par les policiers du Groupement mobile d’intervention (Gmi) n°3 en aout 2006 à Bafoussam. La hiérarchie locale de la police s’était alors mobilisée, non pas pour sanctionner l’excès de zèle de ses subordonnés, mais pour contrer les manifestations populaires de contestation de la bavure policière.
Guy Modeste DZUDIE