Meurtre de Solange Lydienne Taba. Le sous-préfet de la Lokoundjé dans le département de l’Océan, soupçonné d’être le présumé meurtrier est appelé à la barre. Les proches de la victime dénoncent des lenteurs dans la procédure.
Le 25 juillet 2023 marquait le troisième anniversaire de la mort dans les circonstances encore non élucidées de Solange Lydienne Taba. La jeune fille était étudiante dans une université privée de la ville de Douala. L’affaire pendante devant le tribunal militaire d’Ebolowa dans la région du Sud tarde toujours à être jugée. Le procès criminel est ouvert depuis le 6 juin 2023. Un suspect comparait devant la barre pour les faits d’assassinat. L’accusé suspecté d’avoir tiré un coup de feu ayant causé le décès de la jeune fille, n’est autre qu’un représentant de l’autorité administrative. Il s’agit de Frank Derlin Eyono Ebanga, sous–préfet de la Lokoundjé dans le département de l’Océan.
Selon Albert Oyié, avocat de la famille de la victime, le présumé meurtrier n’a jamais été placé en détention provisoire à la prison. Il est plutôt détenu au Groupement territorial de la gendarmerie en attendant d’être jugé. Patrice Ebemby Mboma, le père de la victime, est toujours sous le choc causé par la mort de son unique fille. D’autant plus que la justice n’a toujours pas été rendue aux parents de la victime. « J’ai l’impression que ma fille n’a jamais été inhumée. Et malgré le fait qu’elle soit morte dans des circonstances troubles, je continue à dépenser de l’argent sans assistance de l’Etat pour assurer le déplacement des avocats et payer leurs honoraires dans une affaire de meurtre qui n’avance pas. Nous avons besoin que justice nous soit rendue », réclame le père de la victime.
Sous-préfet protégé
Selon Me Albert Oyié, avocat au barreau du Cameroun et membre du Collectif d’avocats constitués depuis août 2020 pour soutenir la famille l’affaire traîne depuis trois ans à cause des lenteurs observées pendant la phase d’instruction : « Le premier juge d’instruction avait d’abord qualifié les faits en homicide involontaire. Cette qualification avait pour but de montrer que le suspect n’avait pas prémédité son coup. Lorsque l’audience a commencé, nous avons obtenu une requalification. Les faits sont passés d’homicide involontaire à assassinat. L’autre raison des lenteurs observées dans cette procédure s’explique par l’affectation des juges d’instruction. Lorsqu’un juge est saisi d’une affaire et qu’on le mute, le nouveau qui arrive reprend le dossier à zéro », déclare l’avocat.
Il ajoute que dans le cas d’espèce, le droit à la vie de la jeune fille a été violé par une autorité publique dans les circonstances non élucidées et les principes d’égalité, de non-discrimination et d’équité doivent être appliquées dans le cadre de l’action en justice. Une situation qui viole l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui dispose que : « Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ». Notre tentative d’interroger un responsable au tribunal militaire d’Ebolowa est restée sans suite.
Les avocats soupçonnent une manœuvre pour protéger un représentant de l’autorité administrative qui n’a jamais été écroué en prison. En outre, au lieu d’être relevé de ses fonctions pour soupçon de meurtre, il a bénéficié en novembre 2020 d’un décret présidentiel indiquant qu’il avait été appelé à d’autres fonctions. Enfin les délais de jugement sont excessivement prolongés. En 2021, l’Ong Nouveaux droits de l’homme (NDH) avait fait un communiqué pour inviter les autorités judiciaires à faire la lumière sur cette affaire. Ce n’est pas la première fois qu’un membre de l’autorité administrative ou policière soupçonné d’un meurtre bénéficie d’une certaine protection. En mai 2020 à Bafoussam, un commandant de brigade avait tiré sur un jeune garçon qui avait trouvé la mort. L’affaire piétine en justice.
Prince Nguimbous (Jade)
