Les patrons de presse pointent un doigt accusateur sur le gouvernement de Yaoundé qui serait hostile à la promotion d’une presse libre et indépendante au Cameroun.
Journaliste ayant travaillé pour Vison 4 et pour plusieurs organes de presse basés dans la région de l’Ouest, Lambert Youmbi a plus de 55 ans. Et ne jouit d’aucune inscription à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps). Durant son séjour, courant 2017-2020, dans la chaîne de Télévision fondée par Amougou Bélinga – en détention à la prison centrale de Nkondengui à Yaoundé depuis le mois de février dernier dans le cadre de l’affaire Martinez Zogo, il avoue que c’est la première fois qu’il a eu droit à un salaire depuis une trentaine d’années qu’il pratique le journalisme . Affecté par la maladie, il n’a plus de force pour se rendre sur le terrain. D’où la cessation de cette relation de travail. Ce qui est choquant, il est retombé dans l’indigence totale. Il vit sans espoir. Car, il n’a ni droit à une assistance maladie, ni droit à une pension retraite.
Plus de 80% des publicités à la Crtv
La soixantaine sonnée, Michel Mombio, un autre journaliste de la ville de Bafossam, garde une dent dure contre les patrons de presse l’ayant employé. Personne d’eux n’a pensé à l’affilier à la Cnps. « Ils nous ont exploité. Ils sont tous radins », se plaint-il habituellement. Seulement, lui-même, devenu promoteur et éditeur de presse n’a pas fait mieux. Ce qui pousse à croire que le problème serait structurel, et non lié à la mauvaise foi des promoteurs d’entreprises de presse. Sous le couvert du Réseau des patrons de presse(Repac), Emmanuel Ekouli fait savoir que la publicité n’est pas distribuée de manière équitable aux medias. Seuls les medias à capitaux publics bénéficient, selon lui, des privilèges.
Le cas de la redevance audiovisuelle dont jouit tout seul l’Office de diffusion des radios et des télévisions du Cameroun(Crtv), est assez évocateur. « En plus des avantages liés à la diffusion de plus de 80% de la publicité des entités gouvernementales ou paragouvernementales, la Crtv reçoit toute seule la redevance audio-visuelle prélevée sur les impôts versés par la majorité des contribuables camerounais », soutient ce journaliste. Et pour lui, on est loin de sortir de l’auberge. Car les multiples démarches du Repac auprès du gouvernement camerounais pour l’augmentation du soutien public à la presse, la révision des lois sur la publicité et l’application de la Convention de Florence en Italie qui exige l’exonération des frais de douane sur les intrants de l’imprimerie, n’ont pas prospérées.
D’ailleurs, selon des informations collectées pour le compte de Journalistes en Afriques pour le développement(Jade), par notre consœur de Radio Batcham, Charlène Sorelle Teussop, il y a déjà un mois que certains journalistes de radio Fussep, dans la ville de Bafoussam, sont dans le flou. Ils ont initié un mouvement de grève à l’effet de revendiquer, selon certaines informations, neuf mois de salaire impayés. Alors que cette opération était en cours, attendant d’être entendus, l’équipe dirigeante de cette radio à dénicher d’autres recrues. Jusqu’ici, certaines indiscrétions font savoir qu’ils n’ont toujours pas eu gain de cause et ne sont pas fixés sur leur position.
Césaire Moulioum, rédacteur en chef en service à la Radio universitaire Nanfah (Runah) FM, une autre radio de la place, a déjà aussi travaillé dans des conditions difficiles et par amour du métier, il supporte tout. Ce professionnel des médias reconnaît que c’est un véritable supplice. Dans l’anonymat, Jean, prénom d’emprunt, la quarantaine, laisse entendre qu’après des années de salaires impayés dans une structure médiatique de la région, il a fait appel à la justice malheureusement face un patron de presse au bras long, ce journaliste à renoncer à ce qui lui revient de droit. La devalorisation des hommes et femmes de médias est une réalité au Cameroun. Certaines victimes affligées par ce problème meurent sans plus jamais profiter, des avantages du salaire.
Le paiement du salaire doit être constaté par une pièce
Une situation de « misère et de spoliation permanente » que dénonce le chef du service de la régulation de la main d’œuvre à la délégation régionale du ministère de l’Emploi à l’Ouest, Willy Enamba Mpak Susic. Approché par Journalistes en Afrique pour le développement(Jade), cet administrateur de travail et de sécurité sociale, est contre le comportement des patrons de ces entreprises de presse. Pour lui, les journalistes doivent bénéficier des contrats de travail et être catégoriser suivant les indices de leur Convention collective ou du code du travail camerounais. Ils doivent bénéficier et jouit des salaires décents et régulièrement payés, souhaite-t-il. Me Julio Koagne, avocat au barreau du Cameroun, pense tout simplement que les patrons de presse doivent respecter l’article 69 du code travail camerounais. Ce texte dispose : «
(1) Le paiement du salaire doit être constaté par une pièce dressée ou certifiée par l’employeur ou son représentant et émargée par chaque travailleur ou par deux témoins si ce dernier ne sait ni lire, ni écrire en français ou en anglais. Ces pièces sont conservées par l’employeur dans les mêmes conditions que les pièces comptables et doivent être présentées à toute réquisition de l’inspection du travail.
(2) Les employeurs sont tenus de délivrer aux travailleurs au moment du paiement, un bulletin de paie individuel dont la contexture est fixée par arrêté du ministre chargé du Travail, pris après avis de la Commission nationale consultative du travail.
(3) N’est pas opposable au travailleur la mention » pour solde de tout compte » ou toute autre mention équivalente souscrite par lui, soit au cours de l’exécution, soit après la résiliation de son contrat de travail et par laquelle le travailleur renonce à tout ou partie des droits qu’il tient de son contrat de travail.
Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples abonde dans le même sens et indique : en son article 5 :<< Tout individu a droit au respect de la dignité humaine inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toute forme d’exploitation et d’avertissement de l’’homme notamment l’esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradant sont interdites. »
Guy Modeste DZUDIE(Jade)

