Cameroun : Mauvaise gestion des fonds des micro-projets parlementaires

(Jade Cameroun/Syfia) Projets sans suivi, distribution des fonds publics aux militants du parti, détournements. La gestion des fonds alloués chaque année aux députés pour la réalisation des micro-projets sociaux est des plus inefficaces, faute de contrôle.

 Devant le temple de l’Église adventiste du 7ème jour à Makèpè Maturité, un quartier populeux de Douala, se dresse un forage construit il y a trois ans par le député Françoise Foning. Difficile de croire que l’eau a depuis tari dans ce puits qui, durant un an, a fait la fierté de la population. Faute d’entretien ni de suivi par le député. Aujourd’hui, les étudiants qui abondent dans ce quartier proche du campus principal de l’université de Douala, tout comme les autres habitants du coin s’approvisionnent en eau de boisson à 500 m plus loin, dans une source polluée par de nombreuses fosses sceptiques.


Le forage de Makèpè Maturité est l’un de nombreux ouvrages réalisés grâce aux fonds alloués aux députés pour des micro-projets parlementaires, mais qui sont non opérationnels à ce jour faute d’entretien et de suivi. La situation est identique dans plusieurs autres quartiers de Douala. Le Centre social pour jeunes filles démunies de la Cité-sic Bassa, un autre micro-projet parlementaire  de l’honorable Françoise Foning, a connu le même sort. Créé il y a quelques années pour « aider les jeunes filles mères à apprendre le métier de couturière », d’après son chargé de communication, Aby Donfack, il ne subsiste plus lui aussi que dans l’esprit. Le centre a fermé les portes depuis deux ans, et personne ne sait que sont devenus les apprenants ni les nombreuses machines à coudre qui s’y trouvaient.


 


Dotation insuffisante


 


De tels exemples sont légion dans les différentes villes et villages du pays. Pour la législature qui s’achève l’année prochaine, chaque député aurait déjà reçu au total 36 millions de francs Cfa pour la réalisation des projets sociaux. Trop peu ?  » Ecoutez, 8 millions ne peuvent pas construire une école ! C’est à peine suffisant pour une salle de classe. Ce que les personnes nécessiteuses reçoivent  de nous est de loin supérieur à ce que permet l’argent des micro-projets », se défend Belong Maurice, député du Wouri-sud à Douala. Il soutient que les populations n’ont pas une bonne perception de l’action, du rôle et des prérogatives du député, qu’ils considèrent comme un pourvoyeur de fonds.  » Le contexte socioculturel, la conjoncture économique et la pauvreté sont les seuls responsables de cette situation. Le comportement des gens n’évoluera qu’avec celui du pays « , ajoute-t-il.


Cette analyse résume la pensée de plusieurs autres députés qui estiment que l’allocation annuelle de 8 millions de francs pour les micro-projets est fort insignifiante. « Il s’agit simplement d’une forme de soutien à notre action politique. Une manière aussi pour le pouvoir exécutif de nous tenir afin que nous fermions les yeux sur les dérives du gouvernement « , confie sous anonymat un député. Une opinion qui rejoint celle du docteur Albert Mandjack, politologue et enseignant à l’université de Douala : « Cette somme est une augmentation déguisée de l’indemnité parlementaire du député. Aucun cahier de charges n’accompagne l’attribution de cet argent. Tout peut être ou devenir micro-projet ».


 


Gestion sans contrôle


La gestion des fonds des micro-projets parlementaires n’est pas réglementée. Le député n’a pas non plus de compte à rendre quant à l’utilisation des sommes qui lui allouées à cet effet. A Douala 1er, par exemple, le député Maire Henri Ntone a choisi de redistribuer ces fonds aux sous-sections du RDPC, son parti politique, « pour qu’elles les fructifient et deviennent autonomes financièrement « , selon un membre de son cabinet.


Par ailleurs, certains députés qui cumulent également les fonctions de maire brandissent des réalisations financées sur d’autres fonds comme étant leurs micro-projets parlementaires. A Douala, par exemple, le tronçon de route reliant Bepanda à Bonamoussadi est présenté tantôt comme une réalisation du député François Foning dans le cadre des micro-projets parlementaires tantôt comme une œuvre de la commune urbaine de Douala 5 dont elle est également maire. Dans les faits, ce tronçon a été aménagé grâce à des financements des bailleurs de fonds internationaux.


La mauvaise utilisation des fonds alloués aux micro-projets parlementaires est essentiellement due au manque de contrôle de son utilisation. Représentant du peuple à l’Assemblée Nationale, le député a pour mission de voter les lois, de veiller à leur application, et de contrôler l’action gouvernementale. En effet, c’est au gouvernement qu’il revient d’exécuter des projets votés par l’assemblée Nationale. Maintenant que le pouvoir qui contrôle, en l’occurrence le parlement, devient lui-même l’exécutif, il n’y a plus personne pour le contrôler, d’où l’inefficacité de cette dépense. Surtout que généralement, les députés camerounais sont très loin des populations qu’ils sont censés représenter, et ne connaissent par conséquent pas leurs besoins. Une situation que déplore Benjongi Christophe, chef traditionnel de Nyalla : « Je ne connais pas les députés de notre arrondissement. Depuis qu’ils ont pris fonction, ils n’ont fait aucune descente chez nous. Aucune nouvelle, aucune information par rapport aux travaux de leurs assises « . Encore moins par rapport aux investissements sociaux financés sur les fonds des micro-projets parlementaires.


 

Rachel Ngo Bikob

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